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Témoignage d’une analyse

Jean- Marc Savoye, avec le regard de Philippe Grimbert : ‘Et toujours elle m’écrivait’  Editions Albin Michel

Seul un témoignage personnel permet de rendre compte de la multiplicité des chemins empruntés par le conscient et l’inconscient pour tisser les liens de la mémoire et parcourir les paysages inconnus et obscurs du psychisme.N’importe quel ouvrage savant de psychanalyse ne pourra égaler en acuité, en authenticité et en sincérité le témoignage vibrant et assoiffé de vérité d’un analysant en chemin vers la connaissance de lui.

Jean-Marc Savoye relate son cheminement analytique, au fil des années, accompagné successivement par trois analystes. Témoignage empli des nombreux doutes , atermoiements, colère, joie, tergiversations diverses qui émaillent la quête de soi qu’est une analyse.

Ce récit possède une particularité : A l’intérieur, presque de façon subreptice, se sont glissés les mots du dernier psychanalyste de JM Savoye : Philippe Grimbert. C’est un livre à deux voix : la parole de l’analysant et celle de l’analyste s’entrecroisent . L’analyste commente de façon délicate et légère certains épisodes du cheminement de l’auteur.

Jean Marc Savoye nous convie à assister à sa bataille contre sa névrose, elle-même familiale, comme toujours. C’est un combat contre les flous affectifs qui ont entouré sa venue, les assourdissants non-dits qui l’ont embarrassé dans son enfance, contre les confusions des rôles parentaux.

C’est un combat pour la fin de l’indétermination de sa personnalité, pour la réécriture de son histoire par lui-même, pour le rétablissement de sa juste place dans le cours des transmissions familiales, entre son père et ses fils. Pour la mise en état de son psychisme et son insertion dans le cours réel de la vie.

Comme l’écrit Philippe Grimbert, c’est une chance pour lui d’avoir choisi la psychanalyse et non la dépression, ainsi qu’il l’explique. La psychanalyse l’a sauvé d’une mort psychique vers laquelle il sombrait, son état d’avant étant caractéristique d’une difficulté à vivre, dans tous les domaines. La névrose familiale a produit des dégâts sur les personnes qui n’ont pas entamé de démarche, lui indiquant dans quel état il serait lui-même s’il n’avait rien tenté pour s’en sortir.

Avec sa première analyste, JM Savoye expérimente une méthode où rigidité et mutisme sont de mise. Ce dispositif convient au caractère obsessionnel qui est le sien, mais montre ses limites. Au bout de ce travail, il va mieux, mais ses doutes et ses angoisses pointant à nouveau, et son accomplissement professionnel notamment n’étant pas satisfaisant, il sonne à nouveau chez un analyste pour continuer.

Les phases de ressassements sont entrecoupées de prises de conscience, arrivant par surprise, au détour d’un acte qui aurait pu rester anodin, comme l’achat d’une barbue chez le poissonnier. On voit l’œuvre de l’activation psychique, qui se sert de toutes sortes d’éléments venus à la conscience, produisant un éclat particulier en cas de rencontre, de résonance. La mise en relation des signifiants et la réflexion, le cheminement de la pensée complètent, instruisent le phénomène psychique. Les pièces du puzzle se placent.

Il est question de la résistance à la fin de l’analyse, dénouée par l’analyste, qui s’en explique.

Il est question de la dimension émotionnelle, dimension en partie manquante à ces tranches d’analyse.

La réunion des faits et de leurs émotions permet d’activer le travail psychique plus en profondeur. Les résurgences émotionnelles constituent le ferment de la transformation des fonctionnements.

JM Savoye est allé consulter un praticien en EMDR, après son parcours analytique. Utilisant d’autres canaux que ceux de l’analyse, la méthode EMDR lui a permis de ne pas se réfugier dans l’intellectualisation. Il a pu lâcher-prise, accéder enfin à ses émotions enfouies.

Les techniques, bien loin de s’opposer, se complètent et se renforcent mutuellement.

la matière de l’analyse, ce sont les mots’ dit JM Savoye. Dès lors, comment mettre en mots ce qui émane des profondeurs indicibles de l’inconscient. Ce processus de mise en langage sort le fait psychique de sa gangue, l’offre à la lumière, à l’intelligibilité du sujet.

Ainsi l’écriture est le pendant de l’analyse, son complément, sa suite logique.

Comme dit P. Grimbert, l’écrivain, tout comme l’analyste, ne s’autorise que de lui-même, selon le mot de Lacan. La troisième tranche d’analyse permit à JM Savoye de s’autoriser à devenir écrivain, lui qui baignait depuis très longtemps dans l’édition.

Pour JM Savoye, les accomplissements personnels que sont : la créativité et l’autonomie professionnelle, l’écriture, le rôle de père, sont les ancrages dans le réel qui ponctuent la libération de son être.

Ce témoignage est la preuve supplémentaire que la question des origines est ce sur quoi s’amorce tout travail analytique. On ne plonge aussi profond que si l’on est tenaillé par un questionnement enraciné aux prémices de sa vie, dû à un mystère vertigineux, un manque identitaire, un acharnement du destin qui appuie sur la partie flottante.

Un témoignage très personnel et intime, mais qui parle à tous les névrosés que nous sommes, de l’amour, de la haine, de l’inavouable, de la détresse intime, de la solitude, de l’oppression, de la libération, de la dualité, du destin.

Le transfert

 Le transfert est un moteur dans la cure psychanalytique.

Composé de tous les sentiments de sympathie ou d’’antipathie projetés sur la personne de l’analyste par l’analysant au cours du travail analytique, le transfert constitue un ferment d’activation pour le psychisme.

Le transfert permet à l’analysant de déposer, en séance, les mécanismes et affects mis en œuvre dans ses relations passées.

Assuré de la neutralité, de l’absence de jugement, et de l’écoute attentive et bienveillante, l’analysant peut ramener au conscient des éléments du passé, enfouis, douloureux, sans crainte pour son moi. Ce faisant, il se remémore, il revit, il réactive un ensemble d’affects, de déceptions, de vécus plus ou moins traumatisants. Il se retrouve aux prises avec des colères, des blessures d’amour, des élans brisés.

Et dans la réactualisation de ces souvenirs, s’extériorise un maximum d’affects, d’émotions, d’attente, projetés, envahissant l’espace de l’analyse. Comment pourrait-il en être autrement ?

L’analyste, figure contenante, entend ce qui se vit à l’intérieur.  Le matériel refoulé, projeté en séance, sera ensuite réintégré, comme éléments de reconstruction psychique.

Mais le transfert peut être un obstacle à la cure, et créer ce qu’on appelle une résistance, s’il intervient de façon très forte, en positif comme en négatif. Les sentiments éprouvés envers l’analyste, que ce soit des sentiments d’affection, d’admiration, d’agacement, de méfiance, de frustration, doivent être étudiés, comme faisant partie du travail psychique, en se posant les questions : à quelle autre occasion, et envers qui ai-je déjà éprouvé ces sentiments ? qui me rappelle mon analyste ? qu’est-ce que je reproduis ?

C’est en explorant ces phénomènes, envers l’objet d’investissement qu’est l’analyste, dans le cadre protégé de la cure et des séances, dans la distance et la neutralité qui forment ce cadre, que des découvertes importantes de l’inconscient vont avoir lieu.

Le transfert n’est pas figé, il évolue au cours d’une analyse, au fur et à mesure de l’avancée dans le travail.

En psychanalyse active, le transfert est considéré comme  une forme d’activation des différentes phases d’évolution psychoaffectives. Grâce au transfert, l’analysant retrouve son passé, afin d’en faire un allié, un support pour le futur.

Dans un premier temps, le transfert positif est seul à l’œuvre, l’analysant perçoit l’analyste et les séances comme une matrice protectrice, rassurante, bienfaisante.

Dans un deuxième temps, apparaît une ambivalence, des résistances se font jour, l’analysant reproduit face à l’analyste les vécus de la sphère parentale : désir d’être inclus, peur d’être rejeté.

Puis l’analyse progresse, l’analysant petit à petit intègre les éléments psychiques retrouvés, adapte mieux sa vie à ce qu’il souhaite.

Enfin, en prenant son autonomie face à l’analyste, l’analysant devient capable d’assimiler pour les faire siennes les composantes qu’il estime favorables à son épanouissement.

 

 

 

L’écoute

L’analysant vient au cabinet de l’analyste pour y trouver une qualité d’écoute particulière.

L’écoute psychanalytique est le fruit d’une disponibilité, d’une attention, d’une présence à l’autre.

En tant que telle, cette écoute-là a un effet thérapeutique.

Elle accueille la parole de l’analysant dans ses dimensions de souffrance et de doute et aussi dans sa dimension de l’indicible, de l’impensé.

L’analysant énonce dans le cabinet de l’analyste, ce qui ne peut s’énoncer ailleurs.  Sa parole s’élève, grandissante, pour construire l’unicité de son histoire.

Il s’interroge sur la source de ses symptômes qui l’inhibent et dont il ne se défait pas. Il vient au travers de cette écoute chercher à résoudre cette énigme : Pourquoi souffrir tant? Comment souffrir moins ?

La dynamique de la relation analytique implique de se situer dans une profondeur, par-delà tout discours préfabriqué. L’analysant sent intuitivement qu’il peut être écouté au-delà de ce qu’il énonce. Il se pose en tant que sujet de son discours. Il peut laisser de côté le semblant, le faux, le paraître. Pour laisser son être s’exprimer, dans ce qu’il a de beau, et dans ce qu’il a de honteux, parfois.

La parole s’ouvre à une interprétation, une logique autre.

L’écoute dans l’espace de confiance avec l’analyste permet à l’analysant de se libérer des conditionnements de pensée pour laisser place à une autre vérité. Il accepte petit à petit de laisser venir ce qu’il avait occulté, mis dans l’ombre, ou carrément oublié.

Cette écoute-là suppose un entre-deux, une distance. Cette ferme et juste distance structure la parole de l’inconscient. Il peut se dire car il est protégé dans cette dimension analytique, faite de confiance et de réserve.

Le temps de l’écoute est un espace-temps, réservé à l’expression de ses vécus, où l’histoire personnelle du sujet se décline, se déploie. Dans l’espace mémoriel situé entre les deux, l’analysant et l’analyste, l’analysant vient dénouer, au fil des séances, les fortes identifications qui l’empêchent d’évoluer vers ce qu’il a envie d’être.

La parole et l’écoute arrivent en contrepoint des silences : silence des traumas, non-dits de l’enfance, secret de la souffrance. Briser le silence progressivement, comme un besoin d’exister autrement, de reprendre part à ce qu’on advient.

L’écoute est un art.

 

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