Archives par mot-clé : souffrance

Le sentiment d’abandon

Le sentiment d’abandon est une souffrance psychique invasive particulièrement ravivée à chaque séparation ou  période de solitude.

Les manifestations

Il se caractérise par une grande difficulté à vivre les pertes, les ruptures. Les deuils sont longs et laborieux. La peur de la solitude rend le sujet avide de sorties, de relations, de contacts, d’activités. La perspective d’une soirée libre est angoissante. Aussitôt seul, la sensation de vide apparaît. Un intense besoin fusionnel prive le sujet de son autonomie affective. Toute perte  réactive la peur d’être abandonné.

La plupart du temps, la personne souffrant d’un sentiment d’abandon connaît une grande insécurité affective, avec un manque de confiance en ses valeurs personnelles, et donc une recherche de validation par l’extérieur, un besoin d’être rassuré en permanence. Ces besoins insatiables étant la plupart du temps insatisfaits, la frustration entraine de l’agressivité, souvent tournée vers soi-même, et une instabilité d’humeur.

Les relations à l’autre sont troublées, le moindre retrait dans l’échange apparaît aussitôt comme tragique.  La dépendance affective entraine de fortes anxiétés et une profonde dévalorisation, parfois une soumission à l’autre. La peur de la trahison dicte les comportements, et s’accompagne souvent d’un sentiment d’injustice ainsi que de culpabilité.

La fuite ou le repli sur soi peuvent être des réponses en cas d’incapacité à surmonter la souffrance liée à cette insécurité.

Les causes

Chacun d’entre nous possède, enracinée, son histoire avec l’abandon. En effet, apparaissant dans la période originaire de l’évolution psychoaffective, elle est une des premières peurs à vivre. Notre dépendance de naissance nous porte à vivre intensément la crainte d’être abandonné qui est alors une question de survie pure et simple. Au démarrage de sa vie, l’être humain est totalement démuni, dépendant de son entourage pour sa survie, aussi bien physique que psychique.

Un entourage affectif stable et harmonieux compensera la peur de l’insécurité de base.  Mais si des perturbations, des incohérences troublent les conditions affectives et matérielles qui l’entourent, le petit humain ne se sentira pas sécurisé ni protégé. Les répercussions sur son psychisme, son niveau de stress, activeront sa peur d’être rejeté, d’être mal aimé. Et plus tard, sa peur de l’abandon, non suffisamment étayée, contenue, restera fixée, prête à se réveiller en cas de tensions dues aux aléas affectifs de la vie. Il en conservera un besoin illimité d’amour et de présence, pour tenter de reconquérir un territoire de sécurité dont il a manqué.

Pour découvrir les sources, il est donc souhaitable d’aller visiter les blessures affectives anciennes. Elles ne sont guère accessibles directement à la mémoire, et c’est par un travail d’approche, fondé sur l’étude des rêves, des contenus affectifs actuels et des réminiscences d’affects passés que la mémoire émotionnelle se reconstitue.

Certains sujets ont ainsi du mal à admettre avoir souffert d’un sentiment d’abandon, n’ayant pas été à proprement parler ‘abandonnés’.

Or, le sentiment d’abandon peut naitre de situations clairement identifiables, telles que la disparition ou l’absence d’un parent, un manque d’attention dû à l’indisponibilité d’un ou des parents (autre enfant réclamant toute l’attention, activité professionnelle envahissante, maladie ou dépression, etc..), ou au contraire une surprésence et surprotection affective, qui produisent les mêmes effets que le manque.

Mais aussi, dans certains cas, les causes sont moins évidentes. Parfois, les apparences sont parfaites. Pourtant le manque affectif est criant. Une sorte d’indifférence, de désinvestissement du parent peut avoir des effets fortement délétères.

L’imaginaire de l’abandon

L’abandon, la solitude sont des expériences archaïques, ancestrales. L’abandon est présent dans l’imaginaire, dans l’inconscient collectif. Il hante les cauchemars, les contes pour enfants, les histoires fantastiques. Un grand nombre d’œuvres cinématographiques ou de littérature évoquent  l’orphelin, l’incompris, le mal-aimé,  l’exclu, le solitaire rejeté, qui souffre, transcende sa condition pour devenir un héros et auquel chacun s’identifie.

Le thème de l’abandon est universel. Effectivement, certains parents choisissent, lors de l’arrivée au monde de l’enfant qu’ils portaient en eux, de ne pas le garder auprès d’eux, et de le laisser aux mains d’institutions, chargées de le confier afin d’être élevé par d’autres parents. Ce choix existe. Chacun de nous porte en lui cette possibilité. Chaque enfant , vers l’âge de 6 ou 7 ans, s’imagine être un enfant abandonné et recueilli, issu d’autres géniteurs,  ses « vrais parents » . C’est un roman familial qui peut être très présent pour certains. Les contes les plus forts pour l’enfant, sont ceux où un enfant mal-aimé, ou abandonné dépasse sa malchance et transforme en force ses déboires, en un chemin initiatique plein d’enseignement et de ressources pour l’à venir.

Les premiers objets d’amour

Dans la psyché humaine, les premiers attachements, nos objets d’amour primitifs, conditionnent les mouvements affectifs ultérieurs.  La façon dont ces attachements se sont déroulés est au cœur de la problématique de l’abandon.

D’après les travaux de Mélanie Klein (*), les tout premiers processus d’intériorisation et de projection du nourrisson sont à l’origine du sentiment de solitude.  Si ces premières relations objectales se déroulent de façon satisfaisante, l’enfant va réaliser ce que l’on appelle une ‘introjection du bon objet’ suffisamment solide pour asseoir petit à petit son sentiment de sécurité.  Quand les frustrations sont trop intenses, ou les satisfactions aléatoires, l’extérieur sera alors perçu trop souvent comme ‘mauvais objet’, source d’idées de persécution et de pulsions destructives à son égard.  Et ce mauvais objet, également intériorisé, deviendra source de mauvaise estime de soi et d’autoagressivité.

Aucun besoin ne pouvant être satisfait à 100 % et de façon pérenne, ce mouvement entre le bon et le mauvais objet est à l’origine des processus identificatoires successifs dont les différentes composantes vont s’intégrer progressivement pour permettre une stabilité affective et une bonne estime de soi.

‘le monde intérieur consiste en objets intériorisés  sous des aspects divers et dans des situations affectives différentes.’ Les rapports de ces objets internes entre eux peuvent être ressentis comme ‘hostiles et dangereux’, ou comme ‘bons et aimants’, selon les ‘tendances, émotions et fantasmes’ de l’enfant lui-même,  et aussi bien sûr, selon les ‘expériences, bonnes ou mauvaises provenant de l’extérieur’. (Mélanie Klein, A propos de l’identification)

Le Moi est dans un premier temps soumis à ces échanges chaotiques et violents, puis s’organise, c’est-à-dire intègre bon et mauvais objet, pulsion de vie et pulsion de mort, pulsions destructives et pulsions d’amour de façon à ce que le ‘bon objet’ ne soit pas menacé par le ‘mauvais objet’.

Or, cette organisation n’est jamais parfaite et laisse place à ‘l’angoisse que les sentiments destructeurs ne submergent les sentiments d’amour et que le bon objet ne soit menacé’.

Si le bon objet n’est pas solidement ancré, grâce notamment à l’action d’un entourage fiable, la sécurité acquise sera menacée, dans le cas de tensions externes vécues tout au long de la vie, entrainant un sentiment de solitude.

Le sentiment d’être compris par l’extérieur ou au contraire de ne jamais l’être est issu du déroulé de ces premiers échanges.  L’impression d’être bon ou mauvais, à l’intérieur, également. Ainsi, certains ont le sentiment, sans aucune réalité objective, d’être une ‘mauvaise personne’. Comme si un mauvais objet’ était, de fait, intériorisé. La méfiance vis-à-vis de l’autre et la difficulté à faire confiance découlent du même ‘mauvais objet’ projeté à l’extérieur.

L’évolution personnelle

Désirs et peurs émaillent chaque étape de la vie.

Franchir une étape d’évolution nécessite de dépasser des peurs, de lâcher la protection pour oser, pour franchir le passage, pour s’émanciper vers un niveau d’autonomie plus grand. L’évolution psychique, affective, physique, intellectuelle, pousse vers une autonomie de plus en plus importante.

On abandonne donc, à chaque poussée d’évolution, le confort précédent  qu’on avait conquis, qui nous rassurait. Le désir de vivre, de voler plus loin  nous appelle !

Mais ce désir peut être freiné par des peurs invalidantes. La peur de l’abandon en est une.

La peur de l’abandon nait du refus d’accepter la séparation, vécue comme une trahison, un rejet, et non comme un processus normal d’émancipation. Le sujet lutte contre l’acceptation, se resserre sur son refus .

En conclusion

La séparation est nécessaire et le sentiment d’abandon doit être traversé pour évoluer. Les évènements douloureux ayant engendré cette compulsion à se sentir abandonné doivent être revus, pour être pensés, symbolisés, intégrés. De façon à ne plus se sentir victime d’une situation subie, mais au contraire acteur d’une évolution à faire advenir.

 

(*) Mélanie Klein psychanalyste (1882-1960) : Envie et gratitude – et autres essais

Prendre soin de son « moi »

Si l’on a souffert d’un sentiment de ne pas être reconnu, ou d’incompréhension. Si on s’est senti rejeté, injustement traité. Si l’on a subi des traumatismes, des manques affectifs, si l’on n’a pas vécu une enfance épanouissante, ou si l’on a vécu une cassure venant briser le centre de soi…si l’on a entendu des cris, si l’on a été négligé, si l’on ne sait pas pourquoi on était là..

Toutes ces expériences créent des blessures immenses, dont la souffrance est enfouie. Cependant, le refoulé ne disparaît pas, il est toujours agissant. Le psychisme n’oublie rien. L’individu alors s’enferme dans une carapace, créant des comportements de défense, vis-à-vis de ces blessures. Il construit des attitudes de rigidifications, visant à éviter à tout prix de se confronter à toute situation risquant de réveiller la peine issue de l’élan brisé. Pour ne pas souffrir à nouveau. Ainsi, il va vivre à côté de lui, n’étant pas lui-même, pas totalement lui-même.

« Ces diverses expériences de non reconnaissance amènent un être à conclure qu’il ne peut pas vivre en étant lui-même. Le sens profond de la maladie est là, presque toujours. (Guy Corneau, Revivre !)

Un trouble va naitre. En effet, cette partie de soi oubliée, négligée, dont on n’a pas pris soin, va s’étioler, se désagréger.

Le prix à payer, est la maladie, d’être ou de corps.

La maladie montre une désunion d’avec soi, un déséquilibre. L’harmonie qui préside est rompue.

L’être est globalité avant tout.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de prendre soin de soi.

Quelle que soit l’entrée : corps, énergie, psychisme, la technique sollicitée, le professionnel consulté, tout travail sur soi permet de prendre un peu de recul et de se rendre compte que l’on peut améliorer sa vie, la rendre meilleure.

Il s’agit aussi de savoir manœuvrer les forces en soi qui sombrent, qui ne veulent pas évoluer, voire qui œuvrent en sourdine pour la destruction !

Ne pas les laisser dans l’ombre, ni aux commandes.

Il s’agit donc de réveiller les forces de régulation, de réparation, qui se sont endormies, inhibées suite aux traumas vécus.

En effet, toute guérison, toute amélioration d’être, est due à l’activation de l’auto-guérison, à la stimulation de la capacité autonome de rééquilibrage propre aux  fonctionnements psychiques et physiques.

La reconnaissance, en soi, pour soi, des souffrances niées et enfouies est la condition première pour commencer à être vraiment soi.

Toute souffrance intense et durable engendre une dissociation psychique. Une partie du psychisme fait comme si l’autre partie, la souffrante, la malade, n’existait pas. Celle-ci s’enferme dans le non-dit. Une barrière invisible l’entoure et l’empêche d’être au jour. Avec elle, c’est une part de soi qui s’isole et s’anéantit.

Le dialogue avec l’inconscient est nécessaire pour faire réunir ces morceaux disparates de la psyché.

La psychanalyse permet la fluidité entre conscient et inconscient. Elle place la reconnaissance du sujet au centre de son dispositif.

La faculté de réparation provient du sujet lui-même, de sa renaissance à lui-même, dans une place enfin occupée.

C’est une thérapie par la mise en valeur du moi.

Un moi qui s’est ouvert et a quitté ses compulsions de défense, qui l’enfermaient dans une attitude figée. Un moi qui n’est plus replié sur ses peurs.

La fluidité apporte le mouvement, la possibilité de l’action. Elle permet à la force vitale, au désir de vie de se propulser à l’extérieur. Sans cette fluidité, des cuirasses psychiques, et physiques se mettent en place.

Un moi qui occupe le centre de l’être, et peut regarder autour de lui avec bienveillance,  inter-agir en combinant indépendance et accomplissement, se relier en gardant sa liberté d’être.

« La santé est globale, elle inclut le corps, l’âme et l’esprit. » (Guy Corneau, Revivre.)

Il s’agit de découvrir le sens de ce qui nous arrive. Un sens est découvert quand il parle à notre conviction profonde, intime. Cela arrive comme un éclairage subit, suivi d’un soulagement émotionnel. La conscience s’enrichit. A chaque situation, à chaque évènement ne correspond pas un mais plusieurs sens. Ils sont à cueillir au fur et à mesure de l’avancement, et viennent se mutualiser, renforcer l’élaboration globale.

Le chemin vers les prises de conscience, en ramenant du mouvement intra et interpsychique, conduit à la sortie de l’impasse où nos peurs nous ont enfermés. Une nouvelle circulation s’instaure, ce qui était fixé se dénoue, la vision des choses en est modifiée.

Suite à ce travail de conscientisation, l’harmonie entre ressenti et action est rendue possible. L’action juste, issue de la synthèse entre le ressenti et la réalité extérieure, ancre le sujet dans sa vie. Elle lui permet l’incarnation de ce qu’il est vraiment.

Comprendre l’angoisse

Qu’est ce que l’angoisse ?

Parfois elle est un mal qui ronge, une souffrance qui étreint l’être, qui l’empêche de vivre.  Parfois elle est source d’action, de créativité, elle mobilise l’énergie. Elle signale un travail psychique, des difficultés à surmonter une épreuve, ou un mal-être de longue haleine.  L’angoisse est difficile à expliquer, à exprimer.  Elle habite tout être humain.

L’angoisse se différencie de la peur : la peur se manifeste devant un danger réel, présent. L’angoisse est une souffrance purement mentale, alors qu’aucun danger concret et extérieur n’est à affronter. Une peur intérieure provoque l’angoisse, qui pousse à anticiper le pire, qui donne à considérer la face sombre de la vie, qui déforme la réalité pour n’en voir que l’aspect négatif, alimentée par une imagination fertile.  Cependant, elle est toujours liée à une difficulté de la vie réelle.

Elle arrive parfois après une épreuve de la vie, ou dans un contexte de stress intense et ininterrompu. Parfois elle émane d’une histoire de vie tourmentée, hantée par les manques, les blessures. Réveillée par une cause actuelle, elle résonne avec des vécus antérieurs qui amplifient sa force.

Qu’est ce qui nous angoisse ?

Les expressions en sont nombreuses: L’angoisse de l’avenir, de la  mort, l’angoisse du non-sens de la vie.. L’angoisse du vide, de la solitude. L’angoisse de l’abandon. L’angoisse du rapport aux autres. L’angoisse de la sexualité. L’angoisse de la fin de toute chose, du monde…l’angoisse de vivre, tout simplement. L’angoisse du changement, l’angoisse de l’immobillité… la déclinaison est infinie…les motifs d’angoisse sont nombreux !…Parfois elle est diffuse, on ne saurait même pas dire de quoi elle est constituée…

Nous ne manquons pas de sujets extérieurs alimentant nos propres angoisses déjà présentes : Que ce soit dans le domaine des bouleversements écologiques, ou humains, les scénarios catastrophes sont légion et nous font penser au pire en permanence.

Quelles sont les manifestations de l’angoisse ?le cri de munch

Les manifestations de l’angoisse sont bien connues de ceux qui les éprouvent : boule au ventre, serrement de gorge, troubles de l’appétit, insomnies, idées sombres, désespoir, idées obsédantes. Agitation ou au contraire prostration…Envie de s’étourdir pour tenter d’oublier l’angoisse ou au contraire désir de s’isoler, pour tenter de la combattre.  Chacun sa gestion de l’angoisse…

Le plus souvent, l’angoisse est dificile à indentifier. Ce mal-être diffus qui pousse vers des fuites en avant ou des retraits n’apparaît pas toujours en termes très clairs. Il est à explorer avant d’y mettre le mot « angoisse ».

L’angoisse est un cri.

A quoi sert l’angoisse ? faut-il l’éviter à tout prix ?

L’angoisse est parfaitement normale. En tant qu’alerte, elle oblige à être vigilant.  C’est en réalité, un « signal  vital de détresse ».   Sans elle , les dysfonctionnements et  les déséquilibres perdurent, ce qui risque d’entrainer vers des phénomènes dététères (maladies, dépression..)

L’angoisse ressentie doit être considérée comme un signal d’alarme, afin de nous interroger sur les dysfonctionnements de notre vie:  » Que se passe-t-il actuellement dans ma vie, qu’est ce qui n’est pas équilibré, qu’est ce que je fuis, quelles décisions je prends, ou je ne prends pas.. »  Ces questions sont à étudier, afin de chercher le sens de ce signal d’un danger intérieur.

Le psychisme, comme tout système, cherche à maintenir une homéostasie, c’est-à-dire un équlibre entre ses différentes instances (moi, ça, surmoi) et la réalité extérieure. Si  cet équilibre est rompu, le psychisme, pour ne pas perdre son intégrité, travaille à maintenir sa cohésion menacée. L’angoisse est produite par ce travail intense de la fonction régulatrice du psychisme.

Les dangers psychiques sont invisibles à l’œil nu, mais sont pourtant à l’origine de tous nos comportements. Le moi cherche en permanence à maintenir sa cohérence, son intégrité.

Chacun cohabite différemment avec ses angoisses. Pour ne pas plonger, de nombreuses stratégies existent. Et poussent à des comportements destinés à masquer, à s’éloigner du ressenti d’angoisse. L’exemple des addictions est un des plus courants : le comportement addictif de consommation en excès (quel que soit le produit ou le comportement) entraine une diminution des sensations corporelles.  L’addiction anesthésie l’éprouvé.  Et permet d’échapper aux ressentis.

Cependant, les angoisses refoulées sont des  plus dangereuses. D’une part parce que leurs causes restent cachées, puisque l’alerte n’est pas entendue. D’autre part, car, refoulées elles n’en demeurent pas moins agissantes,  génèrant un stress permanent et destructeur.

Et surtout, on évite la confrontation avec soi-même, avec son histoire, avec ses démons. On se coupe de son socle. De ses émotions. De sa vraie vie.

Peut-on apprivoiser son angoisse ?

Il est nécessaire de connaître les causes de l’angoisse, par une recherche introspective. De les visiter, de les appréhender. Pour, en les comprenant mieux,  moins en souffrir.

L’attention à l’angoisse ressentie permet de créer des repères, des sentinelles.

Tout d’abord repérer le moment où elle est apparue. Cela permet de réfléchir à la cause actuelle. Qu’est ce qui l’a provoquée ? et surtout, au-delà de la situation ou de l’évènement, se poser la question de  savoir comment on a vécu cette situation, quelles étaient les émotions ressenties, les souvenirs associés …

Et retrouver les souvenirs anciens, véhicules de blessures affectives, les passages difficiles, les périodes troublées, les enfances chagrines, les adolescences un peu perdues….

Affronter ses craintes, ses peurs, sans détours, trouver ses failles, se confronter à ses démons intérieurs, sont des nécessités si l’on veut apprivoiser son angoisse, et en sortir apaisé. La psychanalyse est le traitement qui permet ce travail.

MINOLTA DIGITAL CAMERA

La souffrance au travail

La souffrance professionnelle est en augmentation en raison des conditions de travail qui se dégradent, et des profondes mutations du monde du travail qui sont en cours.

Apparue récemment et en grande recrudescence, le burn-out professionnel est une maladie due à l’accumulation de mal-être et de frustrations dans les situations professionnelles, aussi bien pour les salariés en entreprise, que pour les professions libérales.

La course à la reconnaissance et à la perfection, la compétition et l’individualisme à outrance, le manque de sens, la dévalorisation personnelle et l’interchangeabilité engendrent une immense solitude ressentie face à une souffrance incomprise, conduisant à cette « explosion brûlante », un état où il est impossible d’aller plus loin, où les ressources intérieures sont totalement asséchées. On ne peut plus rien faire. Il faut s’arrêter.

Le burn-out nécessite un soin adapté, une interruption de la course effrénée, une protection, un retrait. C’est une maladie grave.

Au quotidien, la souffrance au travail dicte ces moments de ras le bol, de rejet extrême. Tout le monde passe par là régulièrement. Et trouve ses solutions, ses stratégies pour éviter l’engrenage dont on ne peut plus sortir.

En effet, le stress au travail, normal, mobilise les capacités d’adaptation face aux situations, aux enjeux, et permet d’y faire face.

Et tout le monde est stressé. A tel point que si quelqu’un déclare ne pas être stressé, on le regarde avec suspicion : est-il sur une autre planète ? au-delà , déjà en burn-out, insensibilisé, anesthésié ? ou bien paresseux ?

Le temps : source de stress. Le temps est happé, mangé, il manque, il est trop petit, il n’y en a jamais assez pour le remplir, avec tout ce qui est à faire. Le temps court, file, va trop vite. Le temps pourtant, est, lui, toujours le même !Où courrons nous ainsi ? Le temps au travail est multiple. Le temps des contrats, des exercices comptables, le temps des dossiers, des procédures, le temps de la journée de travail, des congés, le temps des réunions, des pauses de midi… ces temps sont en conflit parfois avec les temps humains, psychiques, les temps d’assimilation, les temps de vie elle-même. Citons en exemple la si douloureuse impression qu’ont les femmes quand elles annoncent leur grossesse à leur patron ou supérieur et qu’il mesure aussitôt le temps à  prévoir pour leur congé de maternité. Manifestement, le temps de l’enfantement, donc de la vie, n’est pas toujours compatible avec les temps de l’entreprise…

Le stress est donc généralisé, banalisé.  Mais il n’en est pas moins dangereux. Et les seuils d’alerte ne doivent pas être négligés.

En effet, trop de stress, à haute dose, fréquent et sans possibilité de récupération, risque de conduire à un état de déséquilibre psychique. Les tentatives de sortie , de compensation parfois ne suffisent plus :

  • -« une semaine de vacances, et je reviens dans le même état, même pas reposé, sans avoir réussi à « décrocher » du boulot » entend-on parfois.

Ou bien la fatigue s’accroit, un week-end de détente où l’on passe son temps à dormir en vient à peine à bout , en raison d’une difficulté, voire une impossibilité à se détendre , à faire une pause, à penser à autre chose, à se relaxer physiquement.

Devant cette absence de détente, le moral est vite en berne, l’irritabilité extrême rend tout contact avec autrui difficile.

La porte s’ouvre sur les angoisses, les idées sombres concernant l’avenir, la vie. Difficile de voir la route et d’anticiper quand on a la tête dans le guidon en permanence ! Une impossibilité à se projeter, à prévoir, à envisager le futur.

Les activités qui d’ordinaire sont motivantes, investies, perdent de leur intérêt. Car seule compte la tentative de récupération de la fatigue Et la tête est prise par les tâches non terminées, les délais, les urgences…

En phase de stress aigu, les doutes s’installent : doutes sur ses propres capacités à y arriver, à gérer la somme de travail, à être à la hauteur des tâches à accomplir :

  • -« les autres y arrivent bien et pas moi »

S’ensuivent des sentiments de dévalorisation, d’échec, de non-réalisation personnelle, une difficulté à voir ses propres qualités, une estime de soi en déconfiture.

Une moindre résistance à tout évènement nouveau provoque crise, angoisse, perturbations, envie de fuir. Or, les changements dans la vie professionnelle sont fréquents, les adaptations sans cesse nécessaires. Mal préparés, mal expliqués, mal digérés, les changements augmentent la vulnérabilité de certains.

Si plusieurs de ces signes de mal-être coexistent et s’installent, il est absolument nécessaire de s’occuper de soi avant de s’engager sur la pente de la dépression durable ou de la psycho-pathologie.

Cette souffrance répétée créera un désinvestissement face au travail. Au lieu d’être un repère structurant et valorisant, le travail devient alors une source d’ennui et génèrera la désespérance.  Aller au travail perd tout son sens, en dehors de l’obligation de gagner sa vie.

On ne peut pas tenir le coup longtemps ainsi.

Chacun a besoin d’exister socialement et de se sentir utile.

La dépression qui suit cette souffrance doit être entendue comme un signal de changements, de nouveaux choix. Ne pas se laisser happer, résister à l’appel du vide, pour ensuite se remotiver, se mobiliser vers les modifications souhaitables.

Pour réfléchir à ce qui se passe, une mise au point est nécessaire. Que représente le travail pour vous ? quel est l’enjeu personnel au-delà des échéances actuelles ? quel est votre équilibre de vie ?

Quels sont vos rêves ? vos désirs ?

Quel est votre itinéraire ? d’où venez vous ? vers quoi allez vous ?

Et aussi, quels sont les conflits, extériorisés ou latents, auxquels vous êtes confrontés, à l’intérieur de l’entreprise ?

L’entreprise n’est pas seulement un lieu de productions de biens ou de services, à visée économique. Elle est bien plus que cela, et s’y retrouvent la somme des affects inhérents à tout groupe humain. Elle a une structure hiérarchisée, enjeu de pouvoir, de place. Elle est un lieu de projections de désirs, de fantasmes, de peurs. Elle est un lieu à haute teneur symbolique, elle canalise les imaginaires de chacun. Elle possède aussi sa composante inconsciente. Y circulent beaucoup de forces échappant totalement à la maitrise et au contrôle conscient des protagonistes.

L’entreprise, collective ou individuelle, est un lieu de reconnaissance sociale, de valorisation et d’intégration au groupe humain.

La souffrance au travail rejaillit sur les autres aspects de la personne, sa vie personnelle en est affectée.

Les profonds bouleversements économiques en cours déstabilisent les fondements anciens, auxquels on s’accroche cependant. C’est donc une période où chacun devra surmonter des difficultés sans négliger l’aide extérieure, et en relativisant le plus possible ce qui lui arrive.

Pour s’occuper de cette souffrance, différentes entrées sont nécessaires: l’apprentissage corporel de la détente profonde, et le travail psychique de reconstruction. Un ressourcement par ces deux approches pour ensuite reprendre son chemin, en contact avec son moi plus authentique.

Les troubles psychiques: témoignages

Apprendre à connaître les troubles psychiques est nécessaire si l’on veut mieux comprendre ceux qui en souffrent autour de nous, et mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons. En effet, nous sommes tous aux prises avec des symptômes et des excès, des tendances ou des peurs, issus des mêmes questionnements existentiels. Ceux qui traversent par moments les frontières de la santé mentale pour aller faire un tour de l’ « autre côté » nous en apprennent beaucoup sur nous-mêmes et sur les arcanes du monde psychique. Leur vécu, loin de nous effrayer, peut nous éclairer.

En effet, les pathologies psychiques sont des miroirs et reflètent les préoccupations et les contradictions auxquelles nous sommes tous confrontés. A certaines périodes de nos vies, nos propres capacités adaptatives déclinent, et nous devons rassembler nos forces de vie pour ne pas sombrer. Ou bien, nous fabriquons des mécanismes qui nous protègent, mais aussi nous font du mal, ou nous isolent. Nous avons tous nos bizarreries et nos « particularités ».

A cet égard, nous ne devrions jamais considérer l’autre en général,  et le souffrant psychique, en particulier, comme un être à part, différent.

Nous avons tous en nous des parts de ses souffrances, de ses outrances, de ses peurs, de ses provocations…il nous présente un aspect du réel qui nous interpelle : où est la limite entre le normal et le « pas-normal » ? Qu’a-t-il à nous dire, de cette façon si destructrice ?

Je pense qu’un bon moyen d’apprendre à connaître ce qu’est le chaos psychique est d’en lire des témoignages. Le témoignage est une formidable leçon de courage (oser s’exposer, dans sa partie la plus fragile, imaginez !) et de générosité : grâce à ces écrits, d’autres vont apprendre à mieux se soigner, et surtout à mieux s’aimer, à retrouver l’estime de soi, à avoir confiance en eux. « Je peux vivre, comme cette personne qui témoigne, avec cette maladie, sans me réduire à mon trouble ».

Ces parcours de vie montrent les souffrances et les luttes auxquelles les individus sont confrontés, et notamment la lutte contre soi-même qui s’avère épuisante, et surtout impossible, insupportable: l’ennemi est à l’intérieur !

On s’aperçoit alors qu’une existence ne se réduit pas du tout à la maladie. Dans une globalité, l’individu peut avoir à accepter sa souffrance et ses symptômes, qui font partie de lui, certes, mais au sein d’un ensemble plus vaste que cela.

Mais souffrances et luttes intérieures ne sont pas visibles à l’extérieur. Beaucoup se sentent très incompris, voire jugés. Ce qui est visible, ce sont les comportements apparemment insensés, la vision distordue de la réalité, et cela génère parfois de la peur, au minimum un malaise… Le rapport à l’autre est désordonné. L’instabilité, la dysharmonie qui règnent  à l’intérieur diffusent autour et provoquent des retours en décalage, des paroles blessantes, inutiles, en parfait inadéquation. La raison des autres, en effet, ne peur rien faire pour eux à ce moment-là.

Combien d’anorexiques ont entendu dire : « il suffit de la forcer à manger, et ça ira mieux ! » ou «  tu as encore maigri, on dirait une rescapée des camps ».

Combien de bi-polaires voient autour d’eux se forger un mur d’incompréhension, par un entourage dépité, qui ne sait plus à qui il a affaire ? A  la suite d’attitudes et de « crises » qu’ils ont parfois du mal à gérer « je ne le supporte pas quand il est ainsi, on dirait un enfant gâté »

Combien de schizophrènes, enfermés en eux, ne savent pas dire ni se dire, souffrent du mur qui les sépare des autres, et s’entendent traiter de « fou », voient la peur qu’ils inspirent à leurs plus proches, même à ceux qu’ils devraient rassurer ?

En effet, l’entourage est aux prises avec des comportements échappant à l’entendement, à la raison, des attitudes étranges. Il voit les excès, les enfoncements dans la non-vie, les dénis de la part de la personne touchée. Il voit la dissociation.

Le déni est un mal qui ronge en profondeur et de façon invisible. Le déni de tous : la personne touchée, qui peut mettre longtemps avant d’accepter de devoir vivre avec sa maladie, et l’entourage, affecté, qui ne veut pas non plus toujours accepter en totale conscience le « problème ».

A cela s’ajoute la culpabilité, bien sur : celle de pas être comme les autres, celle de se détruire, celle d’être un poids pour l’entourage, de lui faire subir ses contre-coups, ses extravagances ou ses repliements, ses silences ou ses colères, et de le mettre en échec : l’entourage se sent impuissant à aider, quelle que soit sa bonne volonté.

C’est une fois ce déni dépassé, que l’acceptation pleine et entière de la maladie, permettra de mieux la gérer, une fois la conscience augmentée. La maladie aura alors moins de prise.

Ceci ne se réalise qu’au bout d’un long travail sur soi, de recherche des ressources en soi, et de prises de conscience. L’écriture fait partie parfois de ce travail.

J’ai choisi de vous parler de trois de ces témoignages.

Anorexie-Schizophrénie, Trouble bi-polaire-: trois exemples de mal-à-être, de perte temporaire de la notion de réalité, de phase de démissions, de lutte pour faire entendre quelque chose…

Le démon intérieur de Sabrina Palombo fut l’anorexie, dont elle a été sauvée de justesse : A 17 ans démarre un régime qui l’amènera à un poids de 27 kgs, et à un internement psychiatrique pendant un an. Son livre témoigne de la force incroyable qu’elle a dû aller chercher pour s’en sortir.

Sabrina : « Je me suis ouvert la tête contre les murs de ma prison. Les médecins ont proposé à mon père de monter dans ma chambre alors qu’il ne m’avait pas vue depuis des mois. C’était peut-être ma dernière nuit ici-bas selon eux. »

Le corps torturé de l’anorexique fait peur, et son désir de pureté, d’absolu se déclare dans cette négation du charnel en elle.

Douloureusement, la renaissance a lieu, longuement, pas à pas. La maladie se transforme en une quête spirituelle

Sabrina : « Tandis que certains marquent leur rejet du passage au monde adulte en adoptant des comportements de révolte plus ou moins évidents, j’ai opté pour la nourriture comme moyen d’expression et d’opposition. Au-delà de cette crise d’adolescence, il y avait un véritable besoin de transcendance. Peu de gens mettent des mots sur cette quête spirituelle. La spiritualité est, sinon rejetée, au moins taboue. La jeune anorexique peine encore plus à saisir le sens du mal qui la ronge ».

Le combat de Sabrina, depuis, ne cesse plus. Elle a fondé une association, pour faire connaître la maladie, et aider les anorexiques à sortir de l’isolement. Pour agir, mettre des mots, transcender.

Gérard Garouste combat en lui les crises de délire, furieuses, éprouvantes, qui l’amènent immanquablement à l’Hôpital psychiatrique : camisole chimique, cocktail neuroleptique, seule façon de calmer la crise de psychose.

Gérard : « La sortie n’est pas une libération, c’est une punition. La réalité vous rattrape comme une brûlante coulée d’angoisse, et l’on se découvre faible et lâche. On s’effondre. »

Il raconte son enfance dupée, trahie, le secret de famille, la honte silencieuse, souterraine, alimentant la rancœur et la violence du paternel.

Il raconte une dépression qui a duré dix années. Puis sa conscience et son combat pour maintenir un équilibre, forcément fragile, qui le préserve de la rechute.

« Gérard : « je dois fuir la passion puisqu’elle m’égare, mais je ne peux pas. Mes intuitions se changent vite en obsessions, qui nourrissent ma peinture et ma folie. Il y a des frontières communes, que je passe et repasse. J’y laisse parfois un peu de ma vieille peau. »

Gérard est un peintre internationalement reconnu. « Je suis peintre parce que mes mains ont fait ma force, parce que des toiles puissantes et belles m’ont convaincu qu’il y avait là une voie pour moi. »

 Hélène Pérignon, éditrice, a un trouble bi-polaire, passant par des phases longues de dépression, puis des crises maniaques agitées, désordonnées, dévastatrices. Cela lui  a été particulièrement difficile d’accepter sa maladie, car elle-même avait souffert dans son enfance de la bipolarité de sa mère, gravement atteinte par la maladie,  régulièrement internée, et qui, après son retour d’hôpital, restait encore dans un état d’hébétude de longs jours. « Elle vivait à son rythme, dans son petit monde, sans vraiment se soucier de son rôle de maman. »

Il lui faut du temps pour accepter le diagnostic. Puis pour accepter de se faire soigner lorsque la crise est là.

Hélène : « Je m’acharnais à me persuader que tout était normal, et que j’allais bien. Toutefois, je me sentais de plus en plus déstabilisée, les doutes s’amplifiaient, accompagnés d’angoisse et confortés par le discours de mes proches. Période horrible. On se sent vaciller, sombrer. On sait déjà pertinemment que la crise est là, de nouveau, mais on ne peut s’y résoudre. On lutte. Tiraillements féroces entre une partie de soi, exaltée, qui déborde d’énergie, et n’accepte aucune limite et l’autre, en alerte, qui perçoit le danger et la nécessité de mettre un frein à tout ce désordre »

Hélène a finalement appris à vivre de façon très  consciente son trouble bipolaire, de sorte qu’elle en soit le moins affectée possible dans sa vie, tout en intégrant les risques et les réalités de sa maladie et en restant particulièrement vigilante sur son équilibre de vie.

En conclusion, Hélène dit : « je suis bipolaire, mais je me place résolument du côté de la vie .J’ai apprivoisé mon trouble et j’ai appris, avec le temps, à gommer les parenthèses. »

 Bibliographie :

– Sur l’anorexie: Sabrina Palumbo : L’âme en éveil, le corps en sursis. Editions Quintessence.  SabrinaTCA92: se relier aux fragilités pour se relier à l’univers

– Sur la schizophrénie: Gérard Garouste: L’intranquille, autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou. Editions L’iconoclaste.

– Sur le trouble bi-polaire: Hélène Pérignon : je suis bipolaire mais le bonheur ne me fait pas peur ; Editions Hugo Doc

La fragilité

Qu’est-ce que la fragilité ? Qu’est-ce qu’être fragile ?

Une sensibilité particulière ? Une interrogation inquiète sur le monde ? Des questionnements sur son identité ? Des doutes sur sa place parmi les autres ? Des peurs, des angoisses ressenties de temps en temps, ou souvent? Des remises en questions fréquentes ? Des hauts et des bas ? Des difficultés à « être soi » ? A se reconnaitre, à se définir?

Un peu tout cela ….

Sommes-nous tous fragiles ? La fragilité n’est –elle pas sous-jacente, présente en chacun de nous, et masquée au quotidien ? est-ce un atout ou un handicap, d’être fragile ?

Est-il « normal » de souffrir ? Est-il « normal » de ne pas souffrir ?

Notre fragilité se révèle à nos yeux, de façon plus intense, à certaines périodes délicates de nos vies, nous faisant prendre conscience  de cette partie de nous, que nous négligeons  la plupart du temps.

Or, notre souffrance dit quelque chose de notre rapport au monde. Elle dit quelque chose de notre être profond, elle nous permet d’approcher l’essentiel, elle nous guide vers les questions existentielles.

Accepter sa fragilité c’est oser affirmer que le monde matérialiste, consumériste, « minéraliste », ne convient pas à l’être humain, et ne saurait satisfaire ses désirs fondamentaux.

L‘humain ne peut échapper à une certaine « souffrance d’être », apanage de ce qui est nommé « fragilité ».

Ce qui est fragile peut se briser, il est nécessaire d’en prendre soin.

Ce qui est fragile est précieux.

La fragilité interroge sur la fin. Le contact avec l’éphémère apporte la nécessité de se rallier à des concepts plus pérennes : la conscience de soi, la transmission, le lien aux autres, la force de la nature.

Chacun peut faire de sa fragilité une force, en apprenant à la connaître, en soignant ses blessures, en n’ayant plus peur d’elle, et au contraire en apprenant à l’aimer.

La reconnaître, afin d’y puiser les ressources et les atouts pour sa vie.

C’est aussi accepter la souffrance, quand elle est là. Elle est une force, elle implique le rebondissement, le « revivre ».

Ainsi, la fragilité conduit la force de vie. Elle ouvre la voie, par les questionnements qui l’accompagnent, au monde du désir, elle permet de prendre la direction de sa vie ; elle ouvre les processus de changement.

Et si nous osions être fragile? et si nous n’en avions plus peur? et si nous n’en avions plus honte? et si nous considérions avec bonheur notre part sensible?

Paru le 8 janvier 2015: OSONS LA FRAGILITE ! Editions  Harmonie Solar

     

 

Psychothérapie analytique ou outil de développement personnel ?

La question se pose à de nombreuses personnes, car les propositions d’outils de développement personnel sont très nombreuses. Les personnes venant consulter un psychanalyste ont souvent tâté d’autres techniques. La comparaison est faite entre les différents outils qui s’offrent aujourd’hui.
Or, les champs d’intervention en développement personnel et en psychanalyse ne sont pas les mêmes. Les objectifs et les moyens pour y parvenir sont différents. Cependant, il arrive que les frontières entre ces différents domaines d’introspection soient parfois un peu floues, on passe de l’un à l’autre, on recherche quelque chose, on trouve autre chose… Un parcours personnel va passer par plusieurs de ces champs.

Qu’appelle-t-on « développement personnel »?
Le développement personnel fait appel à différentes ressources intérieures, et permet d’ouvrir ses potentialités, de gérer son stress, d’harmoniser son mental, d’augmenter sa créativité, de travailler son intuition, de faire le bilan de ses compétences, de mieux communiquer etc…
Les outils de développement personnel sont nombreux, variés, intéressants, et sont des fenêtres ouvrant sur les possibilités et la richesse qui sont en chacun, que chacun peut faire croitre et embellir.
Les techniques sont diverses : yoga, sophrologie, méditation, techniques psychocorporelles, travail sur l’énergie, la psychologie positive, accompagnement en coaching, etc…

Comment se situe la psychanalyse face à tout cela ? Pourquoi choisir développement personnel ou psychothérapie analytique ?
Une psychothérapie analytique ou une psychanalyse a pour champ d’investigation le sujet dans son ensemble, dans son histoire singulière, unique, celle qu’il a vécu intimement, et aussi dans ce qu’il en a fait, dans ce qu’il a construit à partir de « là ». La psychothérapie s’appuie sur cette histoire, le socle, pour permettre à l’analysant d’y puiser ses forces. Dans la douleur et la fragilité, se trouvent les ferments de la création de son futur.

Dans quel cas s’avèrera nécessaire une psychanalyse ou psychothérapie analytique ?
– Si l’histoire de vie est lourde, si l’enfance est abimée, si les freins à l’épanouissement sont puissants.
– Si la situation de travail ou personnelle ou les deux, est bloquée, si des schémas se répètent indéfiniment.
– Si la souffrance est intense, s’il y a perte d’énergie, angoisse
– S’il y a eu chute, choc, maladie…
Dans tous ces cas, les outils de développement personnel ne seront efficaces que si un travail psychique par la parole a lieu, au cours d’une relation thérapeutique réparatrice

La psychanalyse s’avèrera complémentaire d’un ou de plusieurs outils de développement personnel. C’est le cas pour beaucoup de personnes, ayant souvent fait un chemin à travers divers médiateurs.
Elle s’avèrera même une base, pour que les outils de développement personnel soient efficaces.
Elle sera utile pour éviter les fausses routes : on peut en effet croire que le développement personnel suffira, et se sentir toujours mal, au bout du compte, ou dans une impasse.
Le risque du développement personnel est de laisser s’installer un mal-être, et des habitudes de fonctionnement qui seront difficiles ensuite à remettre en question. Il faudra plus de temps pour déconditionner ses habitudes si on n’est pas allé à la source. La source risque alors d’alimenter toujours le mal à vivre.
Le risque est surtout de créer un « semblant » de bien-être, une posture, des explications, qui ne sont pas personnelles, mais issues d’une grille de lecture. Cela peut aboutir à la construction d’un « faux soi », c’est-à-dire une personnalité très adaptée, un personnage social ayant créé d’autres automatismes, et toujours en demande d’outils de développement personnel. Ayant barricadé son vrai soi, devenu lointain, inaccessible…

La psychanalyse permet d’aller sur son chemin/ sans grille extérieure. On défriche un terrain embroussaillé, à mains nues. Cela fait mal, parfois. L’outil est soi. Le chemin est balisé par une écoute, un silence, un espace intérieur. C’est la rencontre avec.. soi. C’est une école d’exigence. On est face à soi, un vrai soi qui grandit dans cette altérité, cette construction au fil des séances. La construction de son chemin personnel, à nul autre pareil.

Un chemin de vie est une route à plusieurs étapes. La première étape consiste à s’occuper de la souffrance, à panser les blessures psychiques, les bleus à l’âme.
Aller mieux, oui, mais ensuite ?
Maintenir ce mieux-être. C’est là que parfois les outils de développement personnel sont utiles.
Et ensuite ? Quel est le but de tout cela ?
Une fois le chemin éclairci, la question se pose : Que faire de ce mieux-être ?
Quelle est la quête, une fois le mouvement repris ?

Après la recherche des causes de sa souffrance fondamentale, la psychanalyse est un outil d’élaboration de soi, d’éducation à être soi. Elle amène à se poser la question du « que faire de ses prises de conscience ? »

« Le développement de la personne passe, pour la psychanalyse, par une transformation par l’individu de ses blessures en forces, et non par un évitement ou une fuite en avant. »
Norbert Chatillon Hors série Psychologies magazine n°27 P 12.

Donc mon conseil :
– Ne pas se tromper d’objectif. Le développement personnel ne s’occupe pas du pourquoi, il s’occupe du comment.
– Et ne pas se tromper sur l’origine. L’origine du mal-être, de la souffrance : voilà ce dont s’occupe, se préoccupe la psychanalyse: L’histoire, la mémoire, les mouvements et les régressions du sujet, ses désirs, ses peurs, son monde fantasmatique. Sa réalité intérieure.

La vie est une œuvre d’art. Chacun de nous est un artiste qui s’occupe de son œuvre. On peut s’en occuper en laissant la vie faire le travail seule, par le biais des rencontres, des évènements extérieurs venant ponctuer les étapes.
On peut décider aussi d’avoir une démarche plus active dans la construction de son ouvrage. On peut décider de changer, de choisir, d’accélérer certains processus, d’aller plus loin, plus haut. D’avoir un parcours plus autonome, plus conscient. D’augmenter son niveau de conscience, sa connaissance de son inconscient. Ceci amène non pas à une position nombriliste, mais bien au contraire, à une ouverture, une tolérance, une paix avec soi et avec les autres, qui rendent plus libres, plus actifs, plus curieux du monde, plus tolérants. C’est cela la réalisation de soi
.

L’écoute

L’analysant vient au cabinet de l’analyste pour y trouver une qualité d’écoute particulière.

L’écoute psychanalytique est le fruit d’une disponibilité, d’une attention, d’une présence à l’autre.

En tant que telle, cette écoute-là a un effet thérapeutique.

Elle accueille la parole de l’analysant dans ses dimensions de souffrance et de doute et aussi dans sa dimension de l’indicible, de l’impensé.

L’analysant énonce dans le cabinet de l’analyste, ce qui ne peut s’énoncer ailleurs.  Sa parole s’élève, grandissante, pour construire l’unicité de son histoire.

Il s’interroge sur la source de ses symptômes qui l’inhibent et dont il ne se défait pas. Il vient au travers de cette écoute chercher à résoudre cette énigme : Pourquoi souffrir tant? Comment souffrir moins ?

La dynamique de la relation analytique implique de se situer dans une profondeur, par-delà tout discours préfabriqué. L’analysant sent intuitivement qu’il peut être écouté au-delà de ce qu’il énonce. Il se pose en tant que sujet de son discours. Il peut laisser de côté le semblant, le faux, le paraître. Pour laisser son être s’exprimer, dans ce qu’il a de beau, et dans ce qu’il a de honteux, parfois.

La parole s’ouvre à une interprétation, une logique autre.

L’écoute dans l’espace de confiance avec l’analyste permet à l’analysant de se libérer des conditionnements de pensée pour laisser place à une autre vérité. Il accepte petit à petit de laisser venir ce qu’il avait occulté, mis dans l’ombre, ou carrément oublié.

Cette écoute-là suppose un entre-deux, une distance. Cette ferme et juste distance structure la parole de l’inconscient. Il peut se dire car il est protégé dans cette dimension analytique, faite de confiance et de réserve.

Le temps de l’écoute est un espace-temps, réservé à l’expression de ses vécus, où l’histoire personnelle du sujet se décline, se déploie. Dans l’espace mémoriel situé entre les deux, l’analysant et l’analyste, l’analysant vient dénouer, au fil des séances, les fortes identifications qui l’empêchent d’évoluer vers ce qu’il a envie d’être.

La parole et l’écoute arrivent en contrepoint des silences : silence des traumas, non-dits de l’enfance, secret de la souffrance. Briser le silence progressivement, comme un besoin d’exister autrement, de reprendre part à ce qu’on advient.

L’écoute est un art.

 

DSC05302