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La psychanalyse est une méthode d’investigation psychique permettant l’apprentissage de la connaissance de soi-même. La finalité d’un travail analytique est la détermination des causes du mal-être issues du passé, afin de dégager les éléments qui vont permettre de modifier certains fonctionnements du présent, tout en prenant conscience des mécanismes psychiques en œuvre. Ceci va impliquer une meilleure utilisation des potentialités pour le futur.

La transformation

Un courant discret

Tout changement advient après qu’un courant discret et invisible l’a porté souterrainement. Des éléments reliés, mêlés y contribuent, qui ne sont pas dissociables. Le processus de transformation s’élabore en un tout, dont il n’est pas possible de discerner les détails au moment où il se passe. Ce n’est qu’après coup, quand la transformation se donne à voir en un signe tangible, extérieur, que peut se dire l’intuition vague qu’il se passait quelque chose, en catimini, en arrière-plan. Le processus évolutif apparait presque soudainement, non décelable auparavant, et pourtant évident, lorsqu’il est sous les yeux. (Ainsi en est-il par exemple de la traversée des âges. On ne se voit pas changer à chaque instant, jour après jour et pour chaque aspect de notre personne. Cependant le vieillissement se réalise malgré nous, au-delà de nous. Nous nous le figurons mieux en considérant les photos, où la transformation saute aux yeux, qui pourtant n’avait pas été perçue au quotidien durant le processus).

Un processus en sourdine

La préparation à la transformation s’effectue par le travail psychique sous-jacent, par une installation des fondations venant soutenir en soubassement le changement émergent. Ne se réalisent les mises en œuvre, les actions libératrices que lorsque le sujet est prêt. Et il  saura qu’il est prêt lorsque le changement sera visible à ses yeux et aux yeux de tous. Sans qu’il l’ait anticipé, ni senti venir. C’est un décalage, un pas de côté imperceptible, une fermeté nouvelle. On ne peut pas dire tout de suite ce qui a changé. Quelque chose s’est déplacé. Comme si quelques pièces d’un puzzle avaient légèrement bougé. Cela modifie l’ensemble, même si on ne saisit pas de suite quelles pièces sont touchées.

Dans l’analyse, l’indicible a été dit. Et ça remodèle le rapport au monde, aux autres. Quelque chose qui était coincé se dé-fixe. Et le flux d’énergie court à nouveau.

Un savoir au  cœur de l’être

La transformation commence et se situe d’abord au plus intime. Elle ne peut être appréhendée tant qu’elle est au cœur de l’être, sans distance. Le processus de changement est continu, et se réalise à l’insu du sujet. Seul l’effet extérieur sera perceptible. D’abord, quelque chose se constitue à l’intérieur, un savoir qui était déjà présent, mais enfoui, recouvert de contre-vérités, de croyances, d’aménagements divers. Ce savoir va s’amplifier, s’enrichir d’éléments de l’inconscient personnel, de symbolique, de mots, de phrases, pour ensuite  s’autoriser à paraitre au grand jour du conscient. C’est sur ce savoir non intellectuel qu’est basée l’analyse. Ce savoir ne peut être ‘convoqué’ à grand fracas, il ne sert à rien de le provoquer. Il ne peut se vouloir, ni se rechercher frontalement. A partir de ce savoir nouvellement émis, le conflit pathogène va s’apaiser jusqu’à devenir gérable.

La désagrégation du symptôme

Le symptôme se convertit dans le conscient. La compréhension du symptôme, de l’intérieur, par l’approche progressive, continue, régulière, des petits et nombreux éléments qui le constituent, le grignote, le désagrège en particules qui se désolidarisent, ne tiennent plus ensemble. Le symptôme puissant et simplificateur, agrégat d’énergies collées à lui, se mue par l’analyse en la multitude des éléments premiers qui l’ont édifié. Il se défait de lui-même, se démet de ses fonctions, désenclavé, désactivé, désarçonné.

Entre

Apparait alors la possibilité du mouvement, du jeu, de l’ ’entre’ : entre l’analyste et l’analysant, entre le présent et le passé, entre le conscient et l’inconscient, entre les séances, entre le déroulement intérieur à bas bruit, et l’émergence extérieure sonore, entre les peurs et les désirs, entre les rêves et la réalité. Dans ces interstices propices aux échanges, ce qui était figé circule. Il y a séparation, dé-collage de parois. Profitant de ces espaces de liberté, les déplacements se multiplient, laissant affleurer à la surface puis prendre place les nouvelles façons de considérer les évènements, les évidences et les prises de conscience faisant leur place d’elles-mêmes.

Il existe ainsi une continuité entre le mouvement silencieux des rouages intimes qui se dénouent, se renouent, et le déploiement à la lumière de l’extérieur.

La séance sert de catalyseur et le temps entre les séances permet de décanter. L’efficacité du processus analytique repose sur le laisser agir, l’observation, la durée, et non sur le forçage, la volonté, le chantage ou la persuasion.

Inspiré par :

François Jullien : cinq concepts proposés à la psychanalyse. La transformation silencieuse.

 

 

 

 

La mémoire inconsciente

La mémoire se divise en deux compartiments

La mémoire explicite, constituée des souvenirs anciens et récents accessibles à la conscience divisée en : Mémoire à court terme, Mémoire à long terme.

Cette mémoire permet de raconter, de relater des évènements de vie (mémoire épisodique ou auto-biographique). Elle comprend également le savoir, les connaissances et concepts dont s’est enrichie la pensée, les outils de la réflexion abstraite (mémoire sémantique)

La mémoire implicite, elle, n’est pas directement accessible. Elle est composée de tout ce dont nous nous rappelons, sans nous en souvenir.

Un grand nombre de souvenirs sont entrés dans l’Inconscient, pour toujours. Ainsi en est-il, la plupart du temps, des vécus de la petite enfance, avant l’âge de 7 ans. Rares sont ceux dont la remémoration est possible. C’est l’amnésie infantile. Or, ces souvenirs ne sont pas effacés. Présent en nous, leur contenu émotionnel et refoulé agit sur nos fonctionnements à notre insu. Ces réminiscences actives constituent le ferment de nos actions, et ont laissé des traces durables, indélébiles. Chargées affectivement, elles apparaissent dans nos symptômes, dans nos actes manqués, dans les motivations en profondeur de nos actes. Elles sont aussi dans nos rêves.

Ainsi, chaque nuit, nous nous rappelons à notre insu notre passé sans nous en souvenir. (Roland Gori)

Les goûts, les choix, les fonctionnements, les répétitions de comportements de l’âge adulte sont conditionnés en grande partie par ce refoulé, inaccessible directement à la conscience.

En effet, comment imaginer que ce terreau des premières sensations, des émotions fortes et chaotiques, de la gestion du pulsionnel infantile par l’entourage puisse ne pas laisser de traces en profondeur ?

Ces vécus oubliés mais non effacés, sont travaillés, transformés, et réactualisés par l’activité psychique, en permanence. Les résonances de ces traces mnésiques avec les évènements du présent  activent et brassent sans cesse leur chargement  affectif vivace. C’est ainsi que notre histoire ancienne, bien que partiellement ou complètement oubliée, œuvre dans l’ombre.

Le processus mémoriel soumet le matériau des souvenirs à des forces psychiques nombreuses, dont celle qui entraine l’oubli (refoulement).  L’oubli fait partie intrinsèque de la mémoire. Il en est un aspect, non une tare.

De plus, chaque nouvel évènement vécu et par conséquent mémorisé entraine une reformulation de l’ensemble.

Le travail psychique reconstruit les vécus mémorisés. Le souvenir est un reflet flou, imprécis et déformé du réel. Il est facile de constater par exemple qu’évoquant un évènement passé, nous nous voyons agir comme si nous étions extérieurs à nous-mêmes. Ceci montre que le psychisme ne reproduit pas le réel, mais en élabore une représentation.

Les neurosciences corroborent l’idée de l’empreinte émotionnelle des premières années de la vie. L’amygdale cérébrale est le centre de cette mémoire implicite, structure impliquée particulièrement au niveau émotionnel. Or, l’amygdale, la plus ancienne formation du cerveau (et la plus archaïque du point de vue de l’espèce) est en activité dans la petite enfance, bien avant les structures de la mémoire explicite ( dont l‘hippocampe) qui se construisent et deviennent matures les années suivantes. Ceci explique aussi pourquoi cette mémoire très ancienne est aussi vivace.

Dans la mémoire implicite se trouvent les sources des symptômes, des répétitions compulsives qui contiennent et enferment l’élan vers l’évolution personnelle.

La répétition existe tant que la pulsion refoulée ne trouve aucun écho dans le conscient. En effet, fixée à une période du développement infantile, la pulsion non élaborée car profondément remisée dans l’inconscient, ne s’est pas transformée, n’a pas trouvé de sortie symbolique. Elle  insiste donc, dans sa version archaïque, soumise à la contrainte du refoulement et voulant en même temps à tout prix se soulager. Elle se manifeste sous forme de retour à l’identique, laissant au sujet la désagréable impression d’un sur-place, sans que la volonté n’y puisse rien.

 La répétition est, elle aussi, une forme de mémoire. Elle est une manière de rappeler le passé par l’éternel retour du même… Elle présentifie une histoire sans souvenir (Marylin Corcos)

Toutes ces mémoires ont des connexions entre elles.

C’est la raison pour laquelle on peut agir sur les équilibres et libérer des mémoires inconscientes.

Ainsi, en psychanalyse, lever les secrets de la mémoire implicite entraine l’enrichissement de la mémoire explicite. Une partie des éléments refoulés transite par le seuil du conscient et entre en interaction avec les autres souvenirs déjà présents. La mémoire parcellaire du conscient se reconstitue de façon plus linéaire, des pans entiers restés dans l’ombre s’éclairent.

La répétition inconsciente laisse place à une construction pleine de sens, à un récit continu, donnant l’impression que des ‘morceaux du puzzle s’assemblent’ selon une formule souvent utilisée par les analysants. Cela correspond à un profond besoin chez l’humain de se repérer dans son histoire de vie, de considérer l’avant, pour envisager l’après. La mémoire autobiographique contribue à la symbolisation nécessaire pour dépasser les points de fixation dans l’histoire de vie.

Nos souvenirs sont en partie fantasmés, en partie oubliés, car ils font l’objet d’un travail psychique constant. Leur intégration dans les différentes mémoires et leur symbolisation contribuent à affirmer notre sentiment d’identité personnelle.

 

Références :

 Dans Cliniques méditerranéennes 2003/1 (no 67), p 100 – 108

Carnet PSY 2008/3 (n° 125), p. 32-35.

Prendre soin de son « moi »

Si l’on a souffert d’un sentiment de ne pas être reconnu, ou d’incompréhension. Si on s’est senti rejeté, injustement traité. Si l’on a subi des traumatismes, des manques affectifs, si l’on n’a pas vécu une enfance épanouissante, ou si l’on a vécu une cassure venant briser le centre de soi…si l’on a entendu des cris, si l’on a été négligé, si l’on ne sait pas pourquoi on était là..

Toutes ces expériences créent des blessures immenses, dont la souffrance est enfouie. Cependant, le refoulé ne disparaît pas, il est toujours agissant. Le psychisme n’oublie rien. L’individu alors s’enferme dans une carapace, créant des comportements de défense, vis-à-vis de ces blessures. Il construit des attitudes de rigidifications, visant à éviter à tout prix de se confronter à toute situation risquant de réveiller la peine issue de l’élan brisé. Pour ne pas souffrir à nouveau. Ainsi, il va vivre à côté de lui, n’étant pas lui-même, pas totalement lui-même.

« Ces diverses expériences de non reconnaissance amènent un être à conclure qu’il ne peut pas vivre en étant lui-même. Le sens profond de la maladie est là, presque toujours. (Guy Corneau, Revivre !)

Un trouble va naitre. En effet, cette partie de soi oubliée, négligée, dont on n’a pas pris soin, va s’étioler, se désagréger.

Le prix à payer, est la maladie, d’être ou de corps.

La maladie montre une désunion d’avec soi, un déséquilibre. L’harmonie qui préside est rompue.

L’être est globalité avant tout.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de prendre soin de soi.

Quelle que soit l’entrée : corps, énergie, psychisme, la technique sollicitée, le professionnel consulté, tout travail sur soi permet de prendre un peu de recul et de se rendre compte que l’on peut améliorer sa vie, la rendre meilleure.

Il s’agit aussi de savoir manœuvrer les forces en soi qui sombrent, qui ne veulent pas évoluer, voire qui œuvrent en sourdine pour la destruction !

Ne pas les laisser dans l’ombre, ni aux commandes.

Il s’agit donc de réveiller les forces de régulation, de réparation, qui se sont endormies, inhibées suite aux traumas vécus.

En effet, toute guérison, toute amélioration d’être, est due à l’activation de l’auto-guérison, à la stimulation de la capacité autonome de rééquilibrage propre aux  fonctionnements psychiques et physiques.

La reconnaissance, en soi, pour soi, des souffrances niées et enfouies est la condition première pour commencer à être vraiment soi.

Toute souffrance intense et durable engendre une dissociation psychique. Une partie du psychisme fait comme si l’autre partie, la souffrante, la malade, n’existait pas. Celle-ci s’enferme dans le non-dit. Une barrière invisible l’entoure et l’empêche d’être au jour. Avec elle, c’est une part de soi qui s’isole et s’anéantit.

Le dialogue avec l’inconscient est nécessaire pour faire réunir ces morceaux disparates de la psyché.

La psychanalyse permet la fluidité entre conscient et inconscient. Elle place la reconnaissance du sujet au centre de son dispositif.

La faculté de réparation provient du sujet lui-même, de sa renaissance à lui-même, dans une place enfin occupée.

C’est une thérapie par la mise en valeur du moi.

Un moi qui s’est ouvert et a quitté ses compulsions de défense, qui l’enfermaient dans une attitude figée. Un moi qui n’est plus replié sur ses peurs.

La fluidité apporte le mouvement, la possibilité de l’action. Elle permet à la force vitale, au désir de vie de se propulser à l’extérieur. Sans cette fluidité, des cuirasses psychiques, et physiques se mettent en place.

Un moi qui occupe le centre de l’être, et peut regarder autour de lui avec bienveillance,  inter-agir en combinant indépendance et accomplissement, se relier en gardant sa liberté d’être.

« La santé est globale, elle inclut le corps, l’âme et l’esprit. » (Guy Corneau, Revivre.)

Il s’agit de découvrir le sens de ce qui nous arrive. Un sens est découvert quand il parle à notre conviction profonde, intime. Cela arrive comme un éclairage subit, suivi d’un soulagement émotionnel. La conscience s’enrichit. A chaque situation, à chaque évènement ne correspond pas un mais plusieurs sens. Ils sont à cueillir au fur et à mesure de l’avancement, et viennent se mutualiser, renforcer l’élaboration globale.

Le chemin vers les prises de conscience, en ramenant du mouvement intra et interpsychique, conduit à la sortie de l’impasse où nos peurs nous ont enfermés. Une nouvelle circulation s’instaure, ce qui était fixé se dénoue, la vision des choses en est modifiée.

Suite à ce travail de conscientisation, l’harmonie entre ressenti et action est rendue possible. L’action juste, issue de la synthèse entre le ressenti et la réalité extérieure, ancre le sujet dans sa vie. Elle lui permet l’incarnation de ce qu’il est vraiment.

Les racines psychologiques de la violence

Le public n’a pas toujours pris conscience du fait que ce qui arrive à l’enfant dans les premières années de sa vie peut avoir une incidence sur son comportement et son degré de violence, plus tard. Ainsi s’exprimait Alice Miller, psychanalyste ayant publié plusieurs ouvrages s’intéressant aux racines de la violence dans l’éducation de l’enfant.

Les réactions face à la terreur, sur les plans juridiques, politiques et sociétales, font état des moyens à mettre en œuvre pour éradiquer la violence, et supprimer la graine qui pousse, chez ceux qui s’y adonnent.

Ceci ne se fonde pas sur une connaissance intérieure, émotionnelle, que les professionnels de l’écoute développent dans le cadre de leur travail.

Une éducation ne peut être réellement bonne si elle ne s’appuie pas sur l’empathie et l’écoute de ce qu’est l’enfance, fondée sur une connexion à sa propre enfance.

Les parents, pédagogues et éducateurs n’ont généralement pas appris cela eux-mêmes, et transmettent en l’état les principes éducatifs qu’ils ont eux-mêmes connus.

D’où provient cette graine qui pousse est une chose, quelle est la nature du terreau dans lequel elle pousse en est une autre.

Cette connaissance du monde intérieur, du psychisme en formation, si elle n’est pas prise en compte, manque à tous les niveaux, et ne permet pas d’aborder les problèmes de façon complète. Il manque la connaissance du socle, de l’essentiel.

Tout se joue avant 3 ans, disait-on du temps de Dolto.

Alice Miller a longuement étudié les effets néfastes de la pédagogie, de l’éducation, quand elle nie le vivant en l’enfant, et quand elle humilie celui-ci.

Elle a ainsi étudié l’enfance de certains personnages, devenus tortionnaires, ou meurtriers, ainsi que celle de dictateurs : Enfances faites d’humiliations profondes et répétées, de brimades et maltraitances caractérisées, et/ ou d’indifférence totale à l’égard de sa réalité intérieure.

Comprendre ce qui se joue dans l’éducation et le rôle de tous les adultes face à la jeunesse est indispensable si l’on constate que des effets pervers et profondément dangereux sont issus de la manière de faire précédente.

La première raison qui engendre ces méfaits éducatifs est le fait que l’adulte a la plupart du temps refoulé la réalité vécue de son enfance, et même l’a transformée en une vision idyllique.

Or, pour peu qu’on veuille bien se pencher avec un peu de sincérité sur son propre parcours, on s’aperçoit que l’enfance est un lieu de souffrance et de maturation. On ne peut prendre pour réalité intangible, ni dénier toute valeur, aux propos d’un enfant. Mais il est à considérer comme un être en construction, en maturation, en train d’acquérir les connaissances sur le monde et les autres, qui lui permettront plus tard d’avoir un comportement, et un avis. Il est en train de devenir un adulte responsable de sa vie.

Pour ce faire, il a besoin de certains ingrédients essentiels, qui font défaut hélas, dans bien des cas.

Ces ingrédients sont à réunir dans un ensemble cohérent qui s’intitule : le respect de sa nature d’enfant. Encadrer un enfant n’est pas l’obliger à penser de telle ou telle façon. L’encadrer c’est déjà l’assurer dans le fait qu’il grandit dans un entourage fiable, à l’écoute, et non esclave. Un entourage composé d’adultes  qui entourent, précisément, qui protègent et considèrent l’enfant comme un sujet en devenir. Non comme un objet passif et vide. Ou comme un individu déjà mâture.

Toute éducation devrait être une interaction : on devrait apprendre à penser, au lieu d’apprendre à avoir telle ou telle opinion ou idéologie. On apprend des valeurs, si ces valeurs sont véhiculées par l’entourage. Si l’entourage ment, et que les mots entendus sont : « Il ne faut pas mentir », rien ne sera possible, aucune confiance ne présidera aux relations. Le discours paradoxal entraine une perversion du comportement : l’enfant fera semblant, pour ne pas déplaire. Il ne sera pas sincère. Ni vrai.

On devrait aussi apprendre aux enfants l’empathie et le bien-fondé des émotions.

Malheureusement, et c’est une énorme lacune, ce qui est émotionnel est banni, fait peur, est refoulé par la plupart des adultes, éducateurs, pédagogues et parents compris. L’émotion est vécue par beaucoup comme ennemie de la « raison » qui devrait nous éclairer.

C’est oublier un peu vite que nous sommes constitués d’émotions, en tant qu’êtres vivants. L’émotion est inhérente à notre construction, et la sensibilité extrême de l’enfant l’amène à absorber, avec une grande intensité, les sentiments et les affects dont il est l’objet. Il perçoit de plus les émanations inconscientes, les contradictions de l’adulte, si celui-ci a un discours et un comportement opposés.

Le respect de sa nature d’enfant implique donc le respect fondamental de sa sensibilité d’enfant. Or, la sensibilité de l’enfant fait peur : L’adulte n’a la plupart du temps pas d’autre défense que de faire taire cette sensibilité, tout comme il a appris à refouler, lui-même, toute ses émotions dans sa propre enfance. Il a peur souvent de ce regard d’enfant sur lui, de la vérité contenue dans ce regard. Il en a peur car il n’a pas fait le deuil de sa propre enfance, il n’en a pas compris l’enjeu. Il éduque comme il a été éduqué : par la répression des affects les plus puissants, des peurs, des désirs. Non par leur écoute, leur compréhension, leur canalisation, pour créer les conditions favorables à leur transformation en force positive et constructive.

L’éducation oublieuse des éléments essentiels propres à un développement harmonieux d’une personnalité d’enfant, est un danger. Elle aboutit, en cas de défaillances importantes, répétées et sans recours à un repère adulte fiable, et aimant,  à créer des personnalités adultes clivées, ignorantes de leurs émotions, privées de leur capacité à l’empathie, coupées de leurs corps.

Le comportement meurtrier est le fait de tels automates, fonctionnant avec une idée obsessionnelle, quelles que soient les couvertures et oripeaux dont ils habillent cette  idée. L’éducation reçue, allant à l’encontre des besoins fondamentaux, a créé un adulte privé de toute liberté de pensée et de réflexion.

Il est nécessaire de savoir que les besoins fondamentaux de l’enfant ne sont pas les mêmes que ceux de l’adulte. Modeler un enfant à son image n’est pas le respecter.

L’adulte ne peut apprendre à un enfant à être unifié, libre et responsable, face à lui-même et face aux autres, que s’il apprend lui-même à l’être.

Pour être un pédagogue ou un éducateur ou un parent, il faudrait pouvoir se relier à sa propre enfance, à ses ressentis, pour être en empathie maximale avec ceux de l’enfant. Et avoir fait le deuil des insatisfactions et frustrations de l’enfant qu’on a été, pour ne pas faire de l’enfant à éduquer cet objet destiné à satisfaire l’adulte : que ce soit satisfaire ses besoins de gratification, de revanche ou de domination sur un plus faible.

Quels sont les besoins que peut avoir l’adulte, qui agit pour lui-même et non pour l’intérêt de l’enfant, répertoriés par Alice Miller :

Le besoin de reporter sur un autre les humiliations qu’on a soi-même subies

Le besoin de trouver un exutoire aux affects refoulés

Le besoin de posséder un objet manipulable et disponible

Le besoin de préserver l’idéalisation de sa propre enfance et de ses parents

La peur de la liberté

La peur de la réémergence du refoulé, qu’on a réussi à combattre chez soi, et qu’il faut à nouveau combattre chez l’enfant.

La vengeance pour les souffrances endurées.

Ces besoins que l’enfant n’a pas à prendre en charge, se retrouvent à des degrés divers bien entendu. Il peut être nécessaire d’y réfléchir, même si l’on est sincère dans sa volonté de bien faire. Se cachent parfois des désirs plus refoulés, plus obscurs, plus inavouables.

La psychanalyse est là pour entendre ces pulsions difficiles à déceler par le conscient. La psychanalyse aide à dire ces pulsions, dans le cadre rassurant de la séance, et préserve ainsi du passage à l’acte. Le fait de se dire ainsi, place le sujet à distance de ses propres affects, et lui permet de les évacuer. Les besoins infantiles de revanche et de résolution des problèmes au travers de l’enfant perdent alors de leurs forces, d’eux-mêmes.

L’éducation peine à aider un enfant à accéder à sa liberté. Ce n’est d’ailleurs a priori même pas son but.

« Quand on éduque un enfant, on l’apprend à éduquer. Quand on fait la morale à un enfant, il apprend à faire la morale ; quand on le met en garde, il apprend à mettre en garde ; quand on le gronde, il apprend à gronder, quand on se moque de lui, il apprend à se moquer, quand on l’humilie, il apprend à humilier, quand on tue son intériorité, il apprend à tuer.

Il n’a alors plus qu’à choisir qui tuer : lui-même, les autres ou les deux. »

Alice Miller, C’est pour ton bien ; Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant. Aubier 1984.

 

Psychothérapie analytique ou outil de développement personnel ?

La question se pose à de nombreuses personnes, car les propositions d’outils de développement personnel sont très nombreuses. Les personnes venant consulter un psychanalyste ont souvent tâté d’autres techniques. La comparaison est faite entre les différents outils qui s’offrent aujourd’hui.
Or, les champs d’intervention en développement personnel et en psychanalyse ne sont pas les mêmes. Les objectifs et les moyens pour y parvenir sont différents. Cependant, il arrive que les frontières entre ces différents domaines d’introspection soient parfois un peu floues, on passe de l’un à l’autre, on recherche quelque chose, on trouve autre chose… Un parcours personnel va passer par plusieurs de ces champs.

Qu’appelle-t-on « développement personnel »?
Le développement personnel fait appel à différentes ressources intérieures, et permet d’ouvrir ses potentialités, de gérer son stress, d’harmoniser son mental, d’augmenter sa créativité, de travailler son intuition, de faire le bilan de ses compétences, de mieux communiquer etc…
Les outils de développement personnel sont nombreux, variés, intéressants, et sont des fenêtres ouvrant sur les possibilités et la richesse qui sont en chacun, que chacun peut faire croitre et embellir.
Les techniques sont diverses : yoga, sophrologie, méditation, techniques psychocorporelles, travail sur l’énergie, la psychologie positive, accompagnement en coaching, etc…

Comment se situe la psychanalyse face à tout cela ? Pourquoi choisir développement personnel ou psychothérapie analytique ?
Une psychothérapie analytique ou une psychanalyse a pour champ d’investigation le sujet dans son ensemble, dans son histoire singulière, unique, celle qu’il a vécu intimement, et aussi dans ce qu’il en a fait, dans ce qu’il a construit à partir de « là ». La psychothérapie s’appuie sur cette histoire, le socle, pour permettre à l’analysant d’y puiser ses forces. Dans la douleur et la fragilité, se trouvent les ferments de la création de son futur.

Dans quel cas s’avèrera nécessaire une psychanalyse ou psychothérapie analytique ?
– Si l’histoire de vie est lourde, si l’enfance est abimée, si les freins à l’épanouissement sont puissants.
– Si la situation de travail ou personnelle ou les deux, est bloquée, si des schémas se répètent indéfiniment.
– Si la souffrance est intense, s’il y a perte d’énergie, angoisse
– S’il y a eu chute, choc, maladie…
Dans tous ces cas, les outils de développement personnel ne seront efficaces que si un travail psychique par la parole a lieu, au cours d’une relation thérapeutique réparatrice

La psychanalyse s’avèrera complémentaire d’un ou de plusieurs outils de développement personnel. C’est le cas pour beaucoup de personnes, ayant souvent fait un chemin à travers divers médiateurs.
Elle s’avèrera même une base, pour que les outils de développement personnel soient efficaces.
Elle sera utile pour éviter les fausses routes : on peut en effet croire que le développement personnel suffira, et se sentir toujours mal, au bout du compte, ou dans une impasse.
Le risque du développement personnel est de laisser s’installer un mal-être, et des habitudes de fonctionnement qui seront difficiles ensuite à remettre en question. Il faudra plus de temps pour déconditionner ses habitudes si on n’est pas allé à la source. La source risque alors d’alimenter toujours le mal à vivre.
Le risque est surtout de créer un « semblant » de bien-être, une posture, des explications, qui ne sont pas personnelles, mais issues d’une grille de lecture. Cela peut aboutir à la construction d’un « faux soi », c’est-à-dire une personnalité très adaptée, un personnage social ayant créé d’autres automatismes, et toujours en demande d’outils de développement personnel. Ayant barricadé son vrai soi, devenu lointain, inaccessible…

La psychanalyse permet d’aller sur son chemin/ sans grille extérieure. On défriche un terrain embroussaillé, à mains nues. Cela fait mal, parfois. L’outil est soi. Le chemin est balisé par une écoute, un silence, un espace intérieur. C’est la rencontre avec.. soi. C’est une école d’exigence. On est face à soi, un vrai soi qui grandit dans cette altérité, cette construction au fil des séances. La construction de son chemin personnel, à nul autre pareil.

Un chemin de vie est une route à plusieurs étapes. La première étape consiste à s’occuper de la souffrance, à panser les blessures psychiques, les bleus à l’âme.
Aller mieux, oui, mais ensuite ?
Maintenir ce mieux-être. C’est là que parfois les outils de développement personnel sont utiles.
Et ensuite ? Quel est le but de tout cela ?
Une fois le chemin éclairci, la question se pose : Que faire de ce mieux-être ?
Quelle est la quête, une fois le mouvement repris ?

Après la recherche des causes de sa souffrance fondamentale, la psychanalyse est un outil d’élaboration de soi, d’éducation à être soi. Elle amène à se poser la question du « que faire de ses prises de conscience ? »

« Le développement de la personne passe, pour la psychanalyse, par une transformation par l’individu de ses blessures en forces, et non par un évitement ou une fuite en avant. »
Norbert Chatillon Hors série Psychologies magazine n°27 P 12.

Donc mon conseil :
– Ne pas se tromper d’objectif. Le développement personnel ne s’occupe pas du pourquoi, il s’occupe du comment.
– Et ne pas se tromper sur l’origine. L’origine du mal-être, de la souffrance : voilà ce dont s’occupe, se préoccupe la psychanalyse: L’histoire, la mémoire, les mouvements et les régressions du sujet, ses désirs, ses peurs, son monde fantasmatique. Sa réalité intérieure.

La vie est une œuvre d’art. Chacun de nous est un artiste qui s’occupe de son œuvre. On peut s’en occuper en laissant la vie faire le travail seule, par le biais des rencontres, des évènements extérieurs venant ponctuer les étapes.
On peut décider aussi d’avoir une démarche plus active dans la construction de son ouvrage. On peut décider de changer, de choisir, d’accélérer certains processus, d’aller plus loin, plus haut. D’avoir un parcours plus autonome, plus conscient. D’augmenter son niveau de conscience, sa connaissance de son inconscient. Ceci amène non pas à une position nombriliste, mais bien au contraire, à une ouverture, une tolérance, une paix avec soi et avec les autres, qui rendent plus libres, plus actifs, plus curieux du monde, plus tolérants. C’est cela la réalisation de soi
.

La psychanalyse selon Freud

 Le but de la psychanalyse 

« Son seul but et sa seule contribution consistent à découvrir l’inconscient dans la vie psychique. »

La psychanalyse est un procédé à visée thérapeutique

«  Une psychanalyse n’est pas une recherche scientifique impartiale, mais un acte thérapeutique, elle ne cherche pas par essence à prouver, mais à modifier quelque chose. »

La psychanalyse consiste en  un réapprentissage  par le souvenir

  » Il nous faut rechercher les refoulements anciens, incitant le  moi à les corriger, et à résoudre les conflits autrement et mieux qu’en tentant de prendre devant eux la fuite. Comme ces refoulements ont lieu de très bonne heure dans l’enfance, le travail analytique nous ramène à ce temps, les situations ayant amené ces très anciens conflits sont le plus souvent oubliées, le chemin nous y ramenant nous est montré par les symptômes, rêves et associations libres du patient, que nous devons d’ailleurs d’abord interpréter, traduire, ceci parce que sous l’empire de la psychologie du « ça », elles ont revêtu des formes insolites heurtant notre raison. »

La psychanalyse comporte une explication dynamique du psychisme.

« Nous ne voulons pas seulement décrire et classer les phénomènes. Nous voulons aussi les concevoir comme étant des indices d’un jeu de forces s’accomplissant dans l’âme, comme la manifestation de tendances ayant un but défini et travaillant soit dans la même direction, soit dans des directions opposées. »

La psychanalyse est une méthode scientifique d’application générale

« Ce qui caractérise la psychanalyse, en tant que science, c’est moins la matière sur laquelle elle travaille que la technique dont elle se sert .  On peut, sans faire violence à sa nature l’appliquer aussi bien à l’histoire de la civilisation, à la science des religions et à la mythologie qu’à la théorie des névroses. »

d’après « Freud psychanalyse textes choisis » PUF, 1985

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