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Prendre soin de son « moi »

Si l’on a souffert d’un sentiment de ne pas être reconnu, ou d’incompréhension. Si on s’est senti rejeté, injustement traité. Si l’on a subi des traumatismes, des manques affectifs, si l’on n’a pas vécu une enfance épanouissante, ou si l’on a vécu une cassure venant briser le centre de soi…si l’on a entendu des cris, si l’on a été négligé, si l’on ne sait pas pourquoi on était là..

Toutes ces expériences créent des blessures immenses, dont la souffrance est enfouie. Cependant, le refoulé ne disparaît pas, il est toujours agissant. Le psychisme n’oublie rien. L’individu alors s’enferme dans une carapace, créant des comportements de défense, vis-à-vis de ces blessures. Il construit des attitudes de rigidifications, visant à éviter à tout prix de se confronter à toute situation risquant de réveiller la peine issue de l’élan brisé. Pour ne pas souffrir à nouveau. Ainsi, il va vivre à côté de lui, n’étant pas lui-même, pas totalement lui-même.

« Ces diverses expériences de non reconnaissance amènent un être à conclure qu’il ne peut pas vivre en étant lui-même. Le sens profond de la maladie est là, presque toujours. (Guy Corneau, Revivre !)

Un trouble va naitre. En effet, cette partie de soi oubliée, négligée, dont on n’a pas pris soin, va s’étioler, se désagréger.

Le prix à payer, est la maladie, d’être ou de corps.

La maladie montre une désunion d’avec soi, un déséquilibre. L’harmonie qui préside est rompue.

L’être est globalité avant tout.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de prendre soin de soi.

Quelle que soit l’entrée : corps, énergie, psychisme, la technique sollicitée, le professionnel consulté, tout travail sur soi permet de prendre un peu de recul et de se rendre compte que l’on peut améliorer sa vie, la rendre meilleure.

Il s’agit aussi de savoir manœuvrer les forces en soi qui sombrent, qui ne veulent pas évoluer, voire qui œuvrent en sourdine pour la destruction !

Ne pas les laisser dans l’ombre, ni aux commandes.

Il s’agit donc de réveiller les forces de régulation, de réparation, qui se sont endormies, inhibées suite aux traumas vécus.

En effet, toute guérison, toute amélioration d’être, est due à l’activation de l’auto-guérison, à la stimulation de la capacité autonome de rééquilibrage propre aux  fonctionnements psychiques et physiques.

La reconnaissance, en soi, pour soi, des souffrances niées et enfouies est la condition première pour commencer à être vraiment soi.

Toute souffrance intense et durable engendre une dissociation psychique. Une partie du psychisme fait comme si l’autre partie, la souffrante, la malade, n’existait pas. Celle-ci s’enferme dans le non-dit. Une barrière invisible l’entoure et l’empêche d’être au jour. Avec elle, c’est une part de soi qui s’isole et s’anéantit.

Le dialogue avec l’inconscient est nécessaire pour faire réunir ces morceaux disparates de la psyché.

La psychanalyse permet la fluidité entre conscient et inconscient. Elle place la reconnaissance du sujet au centre de son dispositif.

La faculté de réparation provient du sujet lui-même, de sa renaissance à lui-même, dans une place enfin occupée.

C’est une thérapie par la mise en valeur du moi.

Un moi qui s’est ouvert et a quitté ses compulsions de défense, qui l’enfermaient dans une attitude figée. Un moi qui n’est plus replié sur ses peurs.

La fluidité apporte le mouvement, la possibilité de l’action. Elle permet à la force vitale, au désir de vie de se propulser à l’extérieur. Sans cette fluidité, des cuirasses psychiques, et physiques se mettent en place.

Un moi qui occupe le centre de l’être, et peut regarder autour de lui avec bienveillance,  inter-agir en combinant indépendance et accomplissement, se relier en gardant sa liberté d’être.

« La santé est globale, elle inclut le corps, l’âme et l’esprit. » (Guy Corneau, Revivre.)

Il s’agit de découvrir le sens de ce qui nous arrive. Un sens est découvert quand il parle à notre conviction profonde, intime. Cela arrive comme un éclairage subit, suivi d’un soulagement émotionnel. La conscience s’enrichit. A chaque situation, à chaque évènement ne correspond pas un mais plusieurs sens. Ils sont à cueillir au fur et à mesure de l’avancement, et viennent se mutualiser, renforcer l’élaboration globale.

Le chemin vers les prises de conscience, en ramenant du mouvement intra et interpsychique, conduit à la sortie de l’impasse où nos peurs nous ont enfermés. Une nouvelle circulation s’instaure, ce qui était fixé se dénoue, la vision des choses en est modifiée.

Suite à ce travail de conscientisation, l’harmonie entre ressenti et action est rendue possible. L’action juste, issue de la synthèse entre le ressenti et la réalité extérieure, ancre le sujet dans sa vie. Elle lui permet l’incarnation de ce qu’il est vraiment.

La fragilité

Qu’est-ce que la fragilité ? Qu’est-ce qu’être fragile ?

Une sensibilité particulière ? Une interrogation inquiète sur le monde ? Des questionnements sur son identité ? Des doutes sur sa place parmi les autres ? Des peurs, des angoisses ressenties de temps en temps, ou souvent? Des remises en questions fréquentes ? Des hauts et des bas ? Des difficultés à « être soi » ? A se reconnaitre, à se définir?

Un peu tout cela ….

Sommes-nous tous fragiles ? La fragilité n’est –elle pas sous-jacente, présente en chacun de nous, et masquée au quotidien ? est-ce un atout ou un handicap, d’être fragile ?

Est-il « normal » de souffrir ? Est-il « normal » de ne pas souffrir ?

Notre fragilité se révèle à nos yeux, de façon plus intense, à certaines périodes délicates de nos vies, nous faisant prendre conscience  de cette partie de nous, que nous négligeons  la plupart du temps.

Or, notre souffrance dit quelque chose de notre rapport au monde. Elle dit quelque chose de notre être profond, elle nous permet d’approcher l’essentiel, elle nous guide vers les questions existentielles.

Accepter sa fragilité c’est oser affirmer que le monde matérialiste, consumériste, « minéraliste », ne convient pas à l’être humain, et ne saurait satisfaire ses désirs fondamentaux.

L‘humain ne peut échapper à une certaine « souffrance d’être », apanage de ce qui est nommé « fragilité ».

Ce qui est fragile peut se briser, il est nécessaire d’en prendre soin.

Ce qui est fragile est précieux.

La fragilité interroge sur la fin. Le contact avec l’éphémère apporte la nécessité de se rallier à des concepts plus pérennes : la conscience de soi, la transmission, le lien aux autres, la force de la nature.

Chacun peut faire de sa fragilité une force, en apprenant à la connaître, en soignant ses blessures, en n’ayant plus peur d’elle, et au contraire en apprenant à l’aimer.

La reconnaître, afin d’y puiser les ressources et les atouts pour sa vie.

C’est aussi accepter la souffrance, quand elle est là. Elle est une force, elle implique le rebondissement, le « revivre ».

Ainsi, la fragilité conduit la force de vie. Elle ouvre la voie, par les questionnements qui l’accompagnent, au monde du désir, elle permet de prendre la direction de sa vie ; elle ouvre les processus de changement.

Et si nous osions être fragile? et si nous n’en avions plus peur? et si nous n’en avions plus honte? et si nous considérions avec bonheur notre part sensible?

Paru le 8 janvier 2015: OSONS LA FRAGILITE ! Editions  Harmonie Solar

     

 

Un témoignage: la psychanalyse comme parcours poétique

« La psychanalyse comme parcours poétique, une odyssée de soi » publié aux éditions l’Harmattan est le récit d’une psychanalyse.

Ce livre passionnant témoigne du parcours analytique de l’auteure, Gabriela Taranto-Tournon. Pour illustrer ce chemin si particulier, à nul autre pareil, qu’est une psychanalyse, Gabriela établit un parallèle avec le voyage initiatique de l’Odyssée d’Ulysse dans L’Iliade et l’Odyssée, épopée écrite par Homère, aux alentours de 1000 av JC.

L’auteure relie les itinéraires d’Ulysse et de son cheminement analytique, comme deux aventures de vie en correspondance. Etablissant un lien entre l’épopée antique relatée dans un texte mythique fondateur, et le parcours de vie intérieure issu de la découverte fondatrice contemporaine qu’est la psychanalyse.

Les étapes franchies par l’analysante au cours du vécu de son analyse s’accordent, vibrent en résonance avec les épreuves et combats émaillant le voyage d’Ulysse.

D’un côté un bateau et des instruments de navigation, pour naviguer sur la mer, de l’autre les mots et l’outil analytique pour remonter son histoire de cœur et d’esprit.

Comment se retrouver soi, pour vivre mieux, pour atteindre la liberté d’être. Comment voguer au milieu des souvenirs, des esquifs, des oublis, des hauts et des creux de vagues.

Un cheminement analytique est fait de tourmentes et de tempêtes, de matins calmes et de paix. Car il est le chemin de la vie même.

Le récit d’Ulysse est né de sa rencontre avec le roi Alkinoos. Ulysse est réfugié, en errance, naufragé, et souhaite retrouver son pays, son royaume. Mais il est perdu. Comme Alkinoos écoute Ulysse faire le récit du voyage qui l’a amené jusque là, pour l’aider à trouver son chemin vers sa maison (son moi) , le psychanalyste écoute le récit de vie de l’analysant, de façon à l’aider à trouver son propre chemin pour regagner sa vérité.

La quête de Gabriela exprimant sa demande lorsqu’elle démarre son travail : trouver ou retrouver sa place de femme. Son « royaume » ; là où elle peut être celle qu’elle est vraiment.

Le cyclope est le premier monstre auquel s’affronte Ulysse, au cours de son périple. Ce combat est aussi celui du début de la quête de soi: l’œil unique du cyclope, au milieu du front, est le troisième œil, celui de l’intuition et de la vision du monde intérieur.

L’analyse est la reconquête de sa vision personnelle. Ulysse (comme l’analysante) commence par se dépouiller de son ancienne identité (« mon nom est Personne ») pour renaitre à lui-même.

L’analyse est comme une symphonie en cinq mouvements : la rencontre, le récit répétitif, le récit viscéral, la séparation, la perlaboration.

« Il s’agit d’une transformation dynamique et double ; thérapeute et patient font advenir ensemble les transformations. »P.56

Le récit plonge au fur et à mesure dans les profondeurs de l’histoire, fait remonter à la surface émotions et souffrances de l’enfance. Le mouvement créée par cet échange entre conscient et inconscient, entre passé et présent, rend possible de nouvelles connexions, permet d’autres perspectives, fait surgir d’autres liens. L’espace psychique prend une dimension nouvelle.

De même Ulysse descend aux enfers pour y consulter l’âme de Tirésias à propos de sa destinée. Au fond du puits, la vérité. L’envie de savoir.

La vérité telle que la connaît l’inconscient va apparaître tout naturellement, petit à petit, au-delà des angoisses à vivre et à se souvenir.

Des épreuves sont à affronter au cours du chemin, chacun les siennes. Ulysse, après avoir échappé aux charmes des sirènes, ‘tombe de Charybde en Silla’, affronte tempêtes et naufrages, est finalement recueilli par Alcinoos et sa fille. L’analysante, elle, affronte des figures imposantes, des histoires parentales imbriquées de façon complexe, une place pas tout à fait juste ou claire, des fantasmes pour expliquer les silences, une structure familiale figée: tout est à décortiquer, à découvrir, à interroger, à remettre à sa place, pour trouver enfin paix et calme.

Et puis les résistances-freins, qui montrent qu’on est au cœur, au vital, qui donnent envie de prendre du repos, et qui, une fois dépassées, aident à avancer à grands pas.

La relation à la psychanalyste est le support de cette quête de soi au fil des séances. L’analysante apprend sur elle-même, guidée par l’analyste, pour pouvoir ensuite  naviguer seule.

« La relation qui s’établit entre thérapeute-patient a comme but sa propre fin. C’est-à-dire l’indépendance du patient. »P.80.

Ce n’est pas de guérison dont il s’agit, mais de mouvement, de marche reprise (la névrose est fixité, rigidité), d’évolution redevenue possible.

« La psychanalyse est une pensée active, une pensée en action. Elle est un revisiter pour revivre. » P.19

Ulysse à la fin de son odyssée arrive à Ithaca, et reprend place en son royaume. Il reprend sa vie, avec toute l’énergie nouvelle et les connaissances acquises au cours du périple. Il doit chasser ceux qui ont profité de son absence pour prendre ou convoiter sa place.

De même, après l’analyse, l’élan de vie est retrouvé, avec un psychisme enrichi, fort de ses abréactions, de ses prises de conscience, de ses compréhensions, de sa fluidité. Les futurs combats sont menés avec des forces renouvelées, pour se réapproprier sa vie, parfois faire des choix différents.

L’auteure-analysante insère des citations d’un ouvrage de sa psychanalyste, rappelant sa parole, en dialogue avec elle.

L’Odyssée de soi est en effet, également, un hommage plein d’émotions à la mémoire de la psychanalyste, décédée depuis.

Ce récit est l’histoire d’une thérapie psychanalytique, transposée dans un cadre poétique, au plus près du vécu et avec une grande justesse de ton.

La psychanalyse comme parcours poétique Une odyssée de soi, par Gabriela Taranto-Tournon  Editions L’Harmattan 2013

 

Revivre

Qu’est ce que revivre ?

C’est:

Répéter, reproduire le passé, comme si on y était. Ce revivre peut être un ressassement, prenant une allure d’obsession, engendrant souffrance, mélancolie, dû à un deuil qui ne finit pas, à un attachement qui ne veut pas lâcher, à une compulsion de répétition.

C’est aussi :

Renaître,  se renouveler, reparaitre, reprendre un cours de la vie, après une disparition, une dépression, une maladie, un retrait ou un isolement. C’est vivre A NOUVEAU. Se sentir neuf, retrouver son énergie, renouer avec soi. Reprendre la route, repartir.

Le premier revivre possède  une vertu thérapeutique au cours d’un travail psychothérapeutique ou analytique.

Il est alors un revivre permettant de re trouver toutes ces  émotions enfouies, ces souffrances exilées, cet abime en soi que l’on sent mais ne veut pas voir.

Ce revivre se traduit par la réminiscence d’une partie de mémoire inconsciente, des points de vue sur son histoire qu’on avait occultés, des pulsions refoulées.

Revivre un évènement traumatique ou des épisodes de vie difficiles, mettre sa mémoire  en mots pour la partager, et ainsi associer, comprendre, intégrer, comparer, élargir son champ de vision. C’est le travail psychique d’auto-guérison.  La force destructrice de l’émotion traumatisante diminue, laissant place petit à petit à une réparation  et un renouveau. Un réveil !

Ainsi revivre c’est :

Trouver dans le passé les ressorts qui poussent vers l’action de nouveau. Faire revenir le passé pour reprendre l’agir.

C’est cela l’enjeu du revivre.

Entre les deux,

D’une part retrouver le passé, comme si on y était, en ressentant à nouveau les émotions des situations revécues, en s’y plongeant

Et d’autre part, revivre à nouveau, se renouveler, renaître, par exemple après une maladie, ou un choc émotionnel, ou une dépression : je repars, je revis.

On peut avoir l’illusion dans ce cas que l’on ferait comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé, comme si la vie redevenait comme avant.

Mais guérir n’est pas revenir comme avant. C’est au contraire une renonciation à un état antérieur, un passage à un état différent. La conscience lucide que guérir n’est pas revenir est une avancée vers la guérison, car c’est un pas vers cette renonciation.

La santé après la maladie n’est pas la santé antérieure. Le fait d’être guéri signifie ne plus avoir besoin du médicament, ou de la thérapie.

« Il n’y a pas de guérison sans un travail, sans une élaboration, sans un récit, une fiction précisément dans laquelle la personne est impliquée parce qu’il y a un JE » 1

Les deux sens du revivre sont deux axes de notre vie : entre les deux se situe une tension, qui fait que la vie prend un sens ou un autre, entre ces deux polarités, ces deux extrêmes qui se repoussent et s’attirent en même temps.

La thérapie favorise le lien entre ces ceux pôles, pour que la vie ne se cristallise par sur un passé perdu, ou une fuite en avant sans mémoire.

« Alors un revivre survient, qui délivre d’un autre, de celui qui obsédait, qui bloquait tout, sans qu’on le sache. » 2

Inspiration et citations

1  Alain EHRENBERG. La fatigue d’être soi. Dépression et société. Odile Jacob 2000

2  Frédéric WORMS : Revivre , Eprouver nos blessures et nos ressources. Flammarion 2012.