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Le transfert

 Le transfert est un moteur dans la cure psychanalytique.

Composé de tous les sentiments de sympathie ou d’’antipathie projetés sur la personne de l’analyste par l’analysant au cours du travail analytique, le transfert constitue un ferment d’activation pour le psychisme.

Le transfert permet à l’analysant de déposer, en séance, les mécanismes et affects mis en œuvre dans ses relations passées.

Assuré de la neutralité, de l’absence de jugement, et de l’écoute attentive et bienveillante, l’analysant peut ramener au conscient des éléments du passé, enfouis, douloureux, sans crainte pour son moi. Ce faisant, il se remémore, il revit, il réactive un ensemble d’affects, de déceptions, de vécus plus ou moins traumatisants. Il se retrouve aux prises avec des colères, des blessures d’amour, des élans brisés.

Et dans la réactualisation de ces souvenirs, s’extériorise un maximum d’affects, d’émotions, d’attente, projetés, envahissant l’espace de l’analyse. Comment pourrait-il en être autrement ?

L’analyste, figure contenante, entend ce qui se vit à l’intérieur.  Le matériel refoulé, projeté en séance, sera ensuite réintégré, comme éléments de reconstruction psychique.

Mais le transfert peut être un obstacle à la cure, et créer ce qu’on appelle une résistance, s’il intervient de façon très forte, en positif comme en négatif. Les sentiments éprouvés envers l’analyste, que ce soit des sentiments d’affection, d’admiration, d’agacement, de méfiance, de frustration, doivent être étudiés, comme faisant partie du travail psychique, en se posant les questions : à quelle autre occasion, et envers qui ai-je déjà éprouvé ces sentiments ? qui me rappelle mon analyste ? qu’est-ce que je reproduis ?

C’est en explorant ces phénomènes, envers l’objet d’investissement qu’est l’analyste, dans le cadre protégé de la cure et des séances, dans la distance et la neutralité qui forment ce cadre, que des découvertes importantes de l’inconscient vont avoir lieu.

Le transfert n’est pas figé, il évolue au cours d’une analyse, au fur et à mesure de l’avancée dans le travail.

En psychanalyse active, le transfert est considéré comme  une forme d’activation des différentes phases d’évolution psychoaffectives. Grâce au transfert, l’analysant retrouve son passé, afin d’en faire un allié, un support pour le futur.

Dans un premier temps, le transfert positif est seul à l’œuvre, l’analysant perçoit l’analyste et les séances comme une matrice protectrice, rassurante, bienfaisante.

Dans un deuxième temps, apparaît une ambivalence, des résistances se font jour, l’analysant reproduit face à l’analyste les vécus de la sphère parentale : désir d’être inclus, peur d’être rejeté.

Puis l’analyse progresse, l’analysant petit à petit intègre les éléments psychiques retrouvés, adapte mieux sa vie à ce qu’il souhaite.

Enfin, en prenant son autonomie face à l’analyste, l’analysant devient capable d’assimiler pour les faire siennes les composantes qu’il estime favorables à son épanouissement.

 

 

 

Un témoignage: la psychanalyse comme parcours poétique

« La psychanalyse comme parcours poétique, une odyssée de soi » publié aux éditions l’Harmattan est le récit d’une psychanalyse.

Ce livre passionnant témoigne du parcours analytique de l’auteure, Gabriela Taranto-Tournon. Pour illustrer ce chemin si particulier, à nul autre pareil, qu’est une psychanalyse, Gabriela établit un parallèle avec le voyage initiatique de l’Odyssée d’Ulysse dans L’Iliade et l’Odyssée, épopée écrite par Homère, aux alentours de 1000 av JC.

L’auteure relie les itinéraires d’Ulysse et de son cheminement analytique, comme deux aventures de vie en correspondance. Etablissant un lien entre l’épopée antique relatée dans un texte mythique fondateur, et le parcours de vie intérieure issu de la découverte fondatrice contemporaine qu’est la psychanalyse.

Les étapes franchies par l’analysante au cours du vécu de son analyse s’accordent, vibrent en résonance avec les épreuves et combats émaillant le voyage d’Ulysse.

D’un côté un bateau et des instruments de navigation, pour naviguer sur la mer, de l’autre les mots et l’outil analytique pour remonter son histoire de cœur et d’esprit.

Comment se retrouver soi, pour vivre mieux, pour atteindre la liberté d’être. Comment voguer au milieu des souvenirs, des esquifs, des oublis, des hauts et des creux de vagues.

Un cheminement analytique est fait de tourmentes et de tempêtes, de matins calmes et de paix. Car il est le chemin de la vie même.

Le récit d’Ulysse est né de sa rencontre avec le roi Alkinoos. Ulysse est réfugié, en errance, naufragé, et souhaite retrouver son pays, son royaume. Mais il est perdu. Comme Alkinoos écoute Ulysse faire le récit du voyage qui l’a amené jusque là, pour l’aider à trouver son chemin vers sa maison (son moi) , le psychanalyste écoute le récit de vie de l’analysant, de façon à l’aider à trouver son propre chemin pour regagner sa vérité.

La quête de Gabriela exprimant sa demande lorsqu’elle démarre son travail : trouver ou retrouver sa place de femme. Son « royaume » ; là où elle peut être celle qu’elle est vraiment.

Le cyclope est le premier monstre auquel s’affronte Ulysse, au cours de son périple. Ce combat est aussi celui du début de la quête de soi: l’œil unique du cyclope, au milieu du front, est le troisième œil, celui de l’intuition et de la vision du monde intérieur.

L’analyse est la reconquête de sa vision personnelle. Ulysse (comme l’analysante) commence par se dépouiller de son ancienne identité (« mon nom est Personne ») pour renaitre à lui-même.

L’analyse est comme une symphonie en cinq mouvements : la rencontre, le récit répétitif, le récit viscéral, la séparation, la perlaboration.

« Il s’agit d’une transformation dynamique et double ; thérapeute et patient font advenir ensemble les transformations. »P.56

Le récit plonge au fur et à mesure dans les profondeurs de l’histoire, fait remonter à la surface émotions et souffrances de l’enfance. Le mouvement créée par cet échange entre conscient et inconscient, entre passé et présent, rend possible de nouvelles connexions, permet d’autres perspectives, fait surgir d’autres liens. L’espace psychique prend une dimension nouvelle.

De même Ulysse descend aux enfers pour y consulter l’âme de Tirésias à propos de sa destinée. Au fond du puits, la vérité. L’envie de savoir.

La vérité telle que la connaît l’inconscient va apparaître tout naturellement, petit à petit, au-delà des angoisses à vivre et à se souvenir.

Des épreuves sont à affronter au cours du chemin, chacun les siennes. Ulysse, après avoir échappé aux charmes des sirènes, ‘tombe de Charybde en Silla’, affronte tempêtes et naufrages, est finalement recueilli par Alcinoos et sa fille. L’analysante, elle, affronte des figures imposantes, des histoires parentales imbriquées de façon complexe, une place pas tout à fait juste ou claire, des fantasmes pour expliquer les silences, une structure familiale figée: tout est à décortiquer, à découvrir, à interroger, à remettre à sa place, pour trouver enfin paix et calme.

Et puis les résistances-freins, qui montrent qu’on est au cœur, au vital, qui donnent envie de prendre du repos, et qui, une fois dépassées, aident à avancer à grands pas.

La relation à la psychanalyste est le support de cette quête de soi au fil des séances. L’analysante apprend sur elle-même, guidée par l’analyste, pour pouvoir ensuite  naviguer seule.

« La relation qui s’établit entre thérapeute-patient a comme but sa propre fin. C’est-à-dire l’indépendance du patient. »P.80.

Ce n’est pas de guérison dont il s’agit, mais de mouvement, de marche reprise (la névrose est fixité, rigidité), d’évolution redevenue possible.

« La psychanalyse est une pensée active, une pensée en action. Elle est un revisiter pour revivre. » P.19

Ulysse à la fin de son odyssée arrive à Ithaca, et reprend place en son royaume. Il reprend sa vie, avec toute l’énergie nouvelle et les connaissances acquises au cours du périple. Il doit chasser ceux qui ont profité de son absence pour prendre ou convoiter sa place.

De même, après l’analyse, l’élan de vie est retrouvé, avec un psychisme enrichi, fort de ses abréactions, de ses prises de conscience, de ses compréhensions, de sa fluidité. Les futurs combats sont menés avec des forces renouvelées, pour se réapproprier sa vie, parfois faire des choix différents.

L’auteure-analysante insère des citations d’un ouvrage de sa psychanalyste, rappelant sa parole, en dialogue avec elle.

L’Odyssée de soi est en effet, également, un hommage plein d’émotions à la mémoire de la psychanalyste, décédée depuis.

Ce récit est l’histoire d’une thérapie psychanalytique, transposée dans un cadre poétique, au plus près du vécu et avec une grande justesse de ton.

La psychanalyse comme parcours poétique Une odyssée de soi, par Gabriela Taranto-Tournon  Editions L’Harmattan 2013

 

L’écoute

L’analysant vient au cabinet de l’analyste pour y trouver une qualité d’écoute particulière.

L’écoute psychanalytique est le fruit d’une disponibilité, d’une attention, d’une présence à l’autre.

En tant que telle, cette écoute-là a un effet thérapeutique.

Elle accueille la parole de l’analysant dans ses dimensions de souffrance et de doute et aussi dans sa dimension de l’indicible, de l’impensé.

L’analysant énonce dans le cabinet de l’analyste, ce qui ne peut s’énoncer ailleurs.  Sa parole s’élève, grandissante, pour construire l’unicité de son histoire.

Il s’interroge sur la source de ses symptômes qui l’inhibent et dont il ne se défait pas. Il vient au travers de cette écoute chercher à résoudre cette énigme : Pourquoi souffrir tant? Comment souffrir moins ?

La dynamique de la relation analytique implique de se situer dans une profondeur, par-delà tout discours préfabriqué. L’analysant sent intuitivement qu’il peut être écouté au-delà de ce qu’il énonce. Il se pose en tant que sujet de son discours. Il peut laisser de côté le semblant, le faux, le paraître. Pour laisser son être s’exprimer, dans ce qu’il a de beau, et dans ce qu’il a de honteux, parfois.

La parole s’ouvre à une interprétation, une logique autre.

L’écoute dans l’espace de confiance avec l’analyste permet à l’analysant de se libérer des conditionnements de pensée pour laisser place à une autre vérité. Il accepte petit à petit de laisser venir ce qu’il avait occulté, mis dans l’ombre, ou carrément oublié.

Cette écoute-là suppose un entre-deux, une distance. Cette ferme et juste distance structure la parole de l’inconscient. Il peut se dire car il est protégé dans cette dimension analytique, faite de confiance et de réserve.

Le temps de l’écoute est un espace-temps, réservé à l’expression de ses vécus, où l’histoire personnelle du sujet se décline, se déploie. Dans l’espace mémoriel situé entre les deux, l’analysant et l’analyste, l’analysant vient dénouer, au fil des séances, les fortes identifications qui l’empêchent d’évoluer vers ce qu’il a envie d’être.

La parole et l’écoute arrivent en contrepoint des silences : silence des traumas, non-dits de l’enfance, secret de la souffrance. Briser le silence progressivement, comme un besoin d’exister autrement, de reprendre part à ce qu’on advient.

L’écoute est un art.

 

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