La souffrance au travail

La souffrance professionnelle est en augmentation en raison des conditions de travail qui se dégradent, et des profondes mutations du monde du travail qui sont en cours.

Apparue récemment et en grande recrudescence, le burn-out professionnel est une maladie due à l’accumulation de mal-être et de frustrations dans les situations professionnelles, aussi bien pour les salariés en entreprise, que pour les professions libérales.

La course à la reconnaissance et à la perfection, la compétition et l’individualisme à outrance, le manque de sens, la dévalorisation personnelle et l’interchangeabilité engendrent une immense solitude ressentie face à une souffrance incomprise, conduisant à cette « explosion brûlante », un état où il est impossible d’aller plus loin, où les ressources intérieures sont totalement asséchées. On ne peut plus rien faire. Il faut s’arrêter.

Le burn-out nécessite un soin adapté, une interruption de la course effrénée, une protection, un retrait. C’est une maladie grave.

Au quotidien, la souffrance au travail dicte ces moments de ras le bol, de rejet extrême. Tout le monde passe par là régulièrement. Et trouve ses solutions, ses stratégies pour éviter l’engrenage dont on ne peut plus sortir.

En effet, le stress au travail, normal, mobilise les capacités d’adaptation face aux situations, aux enjeux, et permet d’y faire face.

Et tout le monde est stressé. A tel point que si quelqu’un déclare ne pas être stressé, on le regarde avec suspicion : est-il sur une autre planète ? au-delà , déjà en burn-out, insensibilisé, anesthésié ? ou bien paresseux ?

Le temps : source de stress. Le temps est happé, mangé, il manque, il est trop petit, il n’y en a jamais assez pour le remplir, avec tout ce qui est à faire. Le temps court, file, va trop vite. Le temps pourtant, est, lui, toujours le même !Où courrons nous ainsi ? Le temps au travail est multiple. Le temps des contrats, des exercices comptables, le temps des dossiers, des procédures, le temps de la journée de travail, des congés, le temps des réunions, des pauses de midi… ces temps sont en conflit parfois avec les temps humains, psychiques, les temps d’assimilation, les temps de vie elle-même. Citons en exemple la si douloureuse impression qu’ont les femmes quand elles annoncent leur grossesse à leur patron ou supérieur et qu’il mesure aussitôt le temps à  prévoir pour leur congé de maternité. Manifestement, le temps de l’enfantement, donc de la vie, n’est pas toujours compatible avec les temps de l’entreprise…

Le stress est donc généralisé, banalisé.  Mais il n’en est pas moins dangereux. Et les seuils d’alerte ne doivent pas être négligés.

En effet, trop de stress, à haute dose, fréquent et sans possibilité de récupération, risque de conduire à un état de déséquilibre psychique. Les tentatives de sortie , de compensation parfois ne suffisent plus :

  • -« une semaine de vacances, et je reviens dans le même état, même pas reposé, sans avoir réussi à « décrocher » du boulot » entend-on parfois.

Ou bien la fatigue s’accroit, un week-end de détente où l’on passe son temps à dormir en vient à peine à bout , en raison d’une difficulté, voire une impossibilité à se détendre , à faire une pause, à penser à autre chose, à se relaxer physiquement.

Devant cette absence de détente, le moral est vite en berne, l’irritabilité extrême rend tout contact avec autrui difficile.

La porte s’ouvre sur les angoisses, les idées sombres concernant l’avenir, la vie. Difficile de voir la route et d’anticiper quand on a la tête dans le guidon en permanence ! Une impossibilité à se projeter, à prévoir, à envisager le futur.

Les activités qui d’ordinaire sont motivantes, investies, perdent de leur intérêt. Car seule compte la tentative de récupération de la fatigue Et la tête est prise par les tâches non terminées, les délais, les urgences…

En phase de stress aigu, les doutes s’installent : doutes sur ses propres capacités à y arriver, à gérer la somme de travail, à être à la hauteur des tâches à accomplir :

  • -« les autres y arrivent bien et pas moi »

S’ensuivent des sentiments de dévalorisation, d’échec, de non-réalisation personnelle, une difficulté à voir ses propres qualités, une estime de soi en déconfiture.

Une moindre résistance à tout évènement nouveau provoque crise, angoisse, perturbations, envie de fuir. Or, les changements dans la vie professionnelle sont fréquents, les adaptations sans cesse nécessaires. Mal préparés, mal expliqués, mal digérés, les changements augmentent la vulnérabilité de certains.

Si plusieurs de ces signes de mal-être coexistent et s’installent, il est absolument nécessaire de s’occuper de soi avant de s’engager sur la pente de la dépression durable ou de la psycho-pathologie.

Cette souffrance répétée créera un désinvestissement face au travail. Au lieu d’être un repère structurant et valorisant, le travail devient alors une source d’ennui et génèrera la désespérance.  Aller au travail perd tout son sens, en dehors de l’obligation de gagner sa vie.

On ne peut pas tenir le coup longtemps ainsi.

Chacun a besoin d’exister socialement et de se sentir utile.

La dépression qui suit cette souffrance doit être entendue comme un signal de changements, de nouveaux choix. Ne pas se laisser happer, résister à l’appel du vide, pour ensuite se remotiver, se mobiliser vers les modifications souhaitables.

Pour réfléchir à ce qui se passe, une mise au point est nécessaire. Que représente le travail pour vous ? quel est l’enjeu personnel au-delà des échéances actuelles ? quel est votre équilibre de vie ?

Quels sont vos rêves ? vos désirs ?

Quel est votre itinéraire ? d’où venez vous ? vers quoi allez vous ?

Et aussi, quels sont les conflits, extériorisés ou latents, auxquels vous êtes confrontés, à l’intérieur de l’entreprise ?

L’entreprise n’est pas seulement un lieu de productions de biens ou de services, à visée économique. Elle est bien plus que cela, et s’y retrouvent la somme des affects inhérents à tout groupe humain. Elle a une structure hiérarchisée, enjeu de pouvoir, de place. Elle est un lieu de projections de désirs, de fantasmes, de peurs. Elle est un lieu à haute teneur symbolique, elle canalise les imaginaires de chacun. Elle possède aussi sa composante inconsciente. Y circulent beaucoup de forces échappant totalement à la maitrise et au contrôle conscient des protagonistes.

L’entreprise, collective ou individuelle, est un lieu de reconnaissance sociale, de valorisation et d’intégration au groupe humain.

La souffrance au travail rejaillit sur les autres aspects de la personne, sa vie personnelle en est affectée.

Les profonds bouleversements économiques en cours déstabilisent les fondements anciens, auxquels on s’accroche cependant. C’est donc une période où chacun devra surmonter des difficultés sans négliger l’aide extérieure, et en relativisant le plus possible ce qui lui arrive.

Pour s’occuper de cette souffrance, différentes entrées sont nécessaires: l’apprentissage corporel de la détente profonde, et le travail psychique de reconstruction. Un ressourcement par ces deux approches pour ensuite reprendre son chemin, en contact avec son moi plus authentique.