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Narcissisme et trouble narcissique

Le narcissisme

Le narcissisme, au sens ordinaire, est un amour quasi exclusif que l’on se porte à soi-même. Au sens psychanalytique, le narcissisme est un moment de l’évolution psycho-sexuelle au cours duquel l’enfant se prend lui-même comme objet d’amour.

Dans un sens plus élargi et plus actuel, la notion de narcissisme apparait comme un amour de soi, nécessaire, positif, et qui peut être équilibré.

Cependant, il arrive fréquemment que, dès qu’on parle d’un comportement narcissique, on décrive en fait un amour de soi-même excessif, ou au contraire, une mésestime de soi, aboutissant la plupart du temps, dans les deux cas, à une défaillance dans l’amour d’autrui et à un besoin de réassurance permanente.

L’individu possédant un narcissisme correct et suffisant, se connait bien et s’aime assez pour se sentir en confiance dans les actions de sa vie, pour se sentir sécurisé dans les entreprises qu’il mène. Il connaît une bonne estime de soi lui permettant de se réaliser, et de mener à bien ses projets de vie. Il sait aimer et se sentir aimé, sans frustration ni sentiment de toute-puissance. Il peut donner et recevoir. Il est capable de vivre un deuil, une rupture, sans se désorganiser, sans s’anéantir. Il rebondit après les coups durs, se reconstruit après un vacillement. Il est sensible, mais sans excès, aux marques d’attention. Il  a besoin de la reconnaissance d’autrui, mais sans dépendance.

Aux côtés de ce narcissisme bien-portant, se trouvent de nombreuses anomalies de l’amour de soi, dont tout un chacun souffre un jour ou l’autre. En effet, le développement du narcissisme, composante essentielle du psychisme, ne s’accomplit pas sans heurts.

Il existe deux catégories de pathologies narcissiques: soit l’excès d’amour de soi, avec ses composantes d’égoïsme, d’absence d’empathie, de superficialité dans les sentiments pour autrui. Soit l’insuffisance de narcissisme, issue de blessures dans l’estime de soi, de manques affectifs jamais comblés. Les deux proviennent du même manque de constance et de solidité dans la mise en place de l’amour de soi.

Description d’un trouble narcissique typique

Le trouble narcissique est le fait d’une insuffisance dans la construction de son narcissisme. Cette défaillance apporte des doutes récurrents sur sa capacité à être aimé, et un besoin constant d’être rassuré, comblé par les regards des autres. L’excès de demande d’attention et de reconnaissance, la frustration extrême voire l’impossibilité d’entendre la moindre critique, sont les grands signes des fragiles narcissiques. La critique engendre de leur part emportement, colère, rejet.  Car elle les désorganise totalement. C’est le risque de chaos.

Il y aura fuite, si les critiques sont trop vives. Le narcissique ainsi va voguer de relations (amicales, amoureuses) en relations, car, au moment où ce qu’il voit de lui dans les regards des autres n’est plus positif, il fuit. Ensuite, il reconstitue un nouvel entourage, qu’il séduit dans un premier temps, puis déçoit à nouveau, entrainant une nouvelle fuite de sa part. Car il ne peut supporter de se voir en négatif dans le regard d’autrui.

Le narcissique promet d’aimer, mais ne peut aimer, ne s’aimant pas assez lui-même.

Il est absent à la souffrance de son entourage, qu’il malmène, sans remords ni culpabilité, en général. Car, ayant peu d’empathie, il peut mettre de côté ses états d’âme éventuels, s’il estime son intérêt personnel ou son plaisir à lui, en jeu.

Il est préoccupé avant tout de son image, du reflet qu’il voit dans l’œil d’autrui.

« Il exige constamment que l’on s’intéresse à lui, qu’on lui renvoie une image flatteuse. »1
Que sais-je ? le narcissisme, Paul Denis, 2012,  page 11

 Les causes d’une faille narcissique

Chaque histoire est unique, aucune cause précise n’engendre tel ou tel effet. De multiples facteurs, de nombreuses influences sont à l’origine de ce qu’on devient un jour.

Il est possible cependant de mentionner que certains ingrédients ont une influence néfaste sur la construction psychique et conduisent à établir une faille narcissique.

Lorsqu’un des parents, par exemple, encense la plupart du temps son enfant, mais le dénigre à d’autres moments : l’enfant est alors extrêmement blessé, et n’aura de cesse de satisfaire à nouveau pleinement ce parent tout à coup mécontent. Il n’aura pas les leviers cependant, pour le faire, et sera lui-même toujours persuadé de n’être pas à la hauteur de certaines exigences.

Toute situation où l’un des parents utilise son enfant comme un objet devant satisfaire son propre narcissisme : toute éducation ayant pour but de valoriser le parent, n’aura d’autre effet que rendre l’enfant dépendant, non construit individuellement, au narcissisme immature. Il existe aussi des situations où l’enfant ressent que l’un de ses parents n’est jamais content de lui. Ou ne s’intéresse guère à lui…

La construction du narcissisme selon Freud

  • Le narcissisme primaire a été introduit par Freud assez tardivement, comme un échelon nouveau dans sa théorie du développement psycho-sexuel.

Entre l’auto-érotisme, phase où l’énergie d’investissement (libido) n’est pas encore tournée vers l’extérieur mais reste concentrée sur les différents plaisirs corporels et sensitifs du premier âge, et l’amour objectal, où l’autre apparaît comme objet d’amour possible, se situe selon Freud le stade du narcissisme primaire : L’objet d’amour investi alors n’est pas une personne extérieure, mais soi-même. La libido est déjà concentré, les pulsions partielles fusionnent en un tout, d’abord  dirigé vers soi, avant, normalement, de se diriger vers une puis plusieurs personnes extérieures. En premier lieu, la personne dispensatrice des soins, bien sûr.

Freud introduit l’idée d’un conflit entre la libido du Moi, et la libido d’objet.

Le Moi primaire est encore indifférencié, tout juste sorti du ça.

  • Dans un second temps, une autre phase d’investissement du Moi, dit narcissisme secondaire, va apparaître, dans la phase de la libido d’objet.

En effet, la libido investit les objets d’amour extérieurs et ensuite , retourne au  Moi, enrichie des images, des représentations, des figures auxquelles elle s’est identifiée. Le Moi se renforce ainsi grâce à des objets extérieurs intériorisés. Ces introjections alimentent le Moi, lui permettant petit à petit de créer une maitrise sur l’extérieur, un mouvement entre obéir et résister, s’assouplir ou se durcir, prendre et rejeter….

 La construction de l’estime de soi

Ainsi l’identité se crée par tâtonnements entre l’investissement pour l’ extérieur et la réassurance intérieure, entre l’amour des autres et l’amour de soi.

L’enjeu identitaire est à la fois de s’inclure parmi les autres et de se différencier suffisamment pour se caractériser comme un être unique. Difficile équilibre entre les deux tendances. Personne ne veut «être comme tout le monde » et chacun se satisfait à décrire ses pseudo-particularités, et en même temps, personne ne supporte l’idée de l’exclusion, du « trop-différent ».

Mais toute la libido ne s’investit pas dans les objets extérieurs, même ensuite :Une partie de l’énergie d’amour reste investie dans le Moi, et constituera l’estime de soi. Cette estime de soi correspond en fait à l’Idéal du Moi, construit au fil des représentations et des valeurs. Les désirs n’entrant pas en conformité avec cet Idéal sont refoulés, et ainsi le fort narcissisme de l’enfance peut se reconstituer.

Un certain nombre de personnes ont investi leur Moi de façon tellement importante, car elles ont fixé leur libido à un stade du narcissisme infantile, que leur besoin de se voir briller dans le regard des autres supplante leur capacité de s’intéresser à quelqu’un d’autre de façon « gratuite » sans en attendre un retour en investissement d’amour.

Les troubles du narcissisme

Voioci les caractéristiques principales des défaillances du narcissisme:

  • le sentiment de toute-puissance

Un excès d’estime de soi entraine une apparence de toute puissance, de supériorité, voire d’arrogance, difficilement soutenables pour l’entourage.

Cette fatuité, ce gonflement du Moi, cette inflation autour de sa propre personne et de ses prouesses jamais suffisamment détaillées, sont les marques de reconnaissance d’un être fragile narcissiquement en recherche perpétuelle de réassurance, de preuves d’attention.  Cela masque un manque de confiance en soi, des doutes sur ses compétences, sur ses capacités à être aimé et un manque de connaissance de soi, précisément.

  • la désorganisation psychique

Obnubilé par le souci de plaire, le narcissique blessé se construit souvent ce que l’on nomme un « faux-self », c’est-à-dire une apparence d’affects et de comportements destinée à se faire aimer. Toute tentative de l’extérieur venant déstabiliser ce masque sera vécue comme extrêmement angoissante. Cette angoisse vise à protéger alors le Moi contre de graves dangers de morcellement, de gêne extrême, de difficulté à se sentir exister…

Autrement dit, tout ce que protège le Narcisse est un Moi faible, en danger, mal structuré.

  • la dépression

Si l’individu narcissiquement fragile est blessé par des vécus humiliants, ou des situations de trahison, d’abandon, il risque de vider son Moi de tout désir d’investissement. Il peut alors entrer dans une phase dépressive contraire à l’exaltation issue de la toute-puissance.

Le Moi fragile aura des difficultés à vivre les ruptures,  se sentant en grande solitude, sans le support qui le rehaussait narcissiquement.

Quel est le rapport de notre société avec le narcissisme ?

Il a été beaucoup dit que notre société valorise le narcissisme. Le culte de la performance et la dictature de l’efficacité entrainent l’individu contemporain à se montrer égoïste, et favorise un esprit de  compétition inhumain et cruel. Mais la course à la perfection ne fait que renforcer les failles narcissiques. En effet, pour correspondre à une image survalorisée et définie par l’extérieur, il faut sacrifier son propre être et s’en éloigner. Cela aboutit à une perte de sens, et une insatisfaction en profondeur. Le narcissisme est dans ce cas défini négativement, synonyme de repli sur soi et de rejet de l’autre.

Cependant, le narcissisme, dans son acception positive, est au contraire à réhabiliter, selon certains auteurs (Fabrice Midal ), qui estiment que cette notion a été mal interprétée, dévoyée. Il est nécessaire, pour ne pas se perdre définitivement dans la course effrénée dans laquelle nous sommes pris, de retrouver l’amour de soi qui nous fait exister en tant qu’individu et non rouage d’une machine. Chacune doit récupérer sa faculté à penser par soi-même, à construire son individualité, à élaborer sa vie.

Qu’appelle-t-on un pervers narcissique ?

C’est un degré supérieur du trouble du surinvestissement narcissique de soi-même ; le fait de perversion signifie prendre plaisir à l’objectisation de l’autre, qui peut aller jusqu’à jouir de sa destruction. C’est un cas très particulier, dont nous ne parlons pas ici, et qui est à ne pas confondre avec le simple trouble narcissique.

Comment réparer un narcissisme blessé ?

‘Connais-toi toi même’

Apprendre à se connaitre, appréhender ses propres rythmes, se réapproprier son histoire, trouver ses vraies sources de satisfaction, revenir à soi permettent de réparer un moi qui n’a pas construit un narcissisme équilibré.

La cure analytique permet de restaurer un narcissisme qui a subi une dégradation. Soit en raison d’un traumatisme actuel, soit sous l’effet de rejets et blessures répétées, dans l’enfance. Une désorganisation psychique s’ensuit, qui demande réparation, dans une thérapie, dont c’est le premier effet : reprendre une estime de soi suffisante, pour continuer le chemin.

La dégradation du narcissisme, est une forme très grave d’atteinte psychique qui peut entrainer des effets pathologiques importants. La dépression, les addictions, peuvent être des symptômes de cette dévastation, et sont à prendre très au sérieux.

Lectures :

Sigmund Freud : Pour introduire le narcissisme.

Paul Denis : le narcissisme, que sais-je ? PUF

Fabrice Midal: Sauvez votre peau, devenez narcissiques

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Les troubles psychiques: témoignages

Apprendre à connaître les troubles psychiques est nécessaire si l’on veut mieux comprendre ceux qui en souffrent autour de nous, et mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons. En effet, nous sommes tous aux prises avec des symptômes et des excès, des tendances ou des peurs, issus des mêmes questionnements existentiels. Ceux qui traversent par moments les frontières de la santé mentale pour aller faire un tour de l’ « autre côté » nous en apprennent beaucoup sur nous-mêmes et sur les arcanes du monde psychique. Leur vécu, loin de nous effrayer, peut nous éclairer.

En effet, les pathologies psychiques sont des miroirs et reflètent les préoccupations et les contradictions auxquelles nous sommes tous confrontés. A certaines périodes de nos vies, nos propres capacités adaptatives déclinent, et nous devons rassembler nos forces de vie pour ne pas sombrer. Ou bien, nous fabriquons des mécanismes qui nous protègent, mais aussi nous font du mal, ou nous isolent. Nous avons tous nos bizarreries et nos « particularités ».

A cet égard, nous ne devrions jamais considérer l’autre en général,  et le souffrant psychique, en particulier, comme un être à part, différent.

Nous avons tous en nous des parts de ses souffrances, de ses outrances, de ses peurs, de ses provocations…il nous présente un aspect du réel qui nous interpelle : où est la limite entre le normal et le « pas-normal » ? Qu’a-t-il à nous dire, de cette façon si destructrice ?

Je pense qu’un bon moyen d’apprendre à connaître ce qu’est le chaos psychique est d’en lire des témoignages. Le témoignage est une formidable leçon de courage (oser s’exposer, dans sa partie la plus fragile, imaginez !) et de générosité : grâce à ces écrits, d’autres vont apprendre à mieux se soigner, et surtout à mieux s’aimer, à retrouver l’estime de soi, à avoir confiance en eux. « Je peux vivre, comme cette personne qui témoigne, avec cette maladie, sans me réduire à mon trouble ».

Ces parcours de vie montrent les souffrances et les luttes auxquelles les individus sont confrontés, et notamment la lutte contre soi-même qui s’avère épuisante, et surtout impossible, insupportable: l’ennemi est à l’intérieur !

On s’aperçoit alors qu’une existence ne se réduit pas du tout à la maladie. Dans une globalité, l’individu peut avoir à accepter sa souffrance et ses symptômes, qui font partie de lui, certes, mais au sein d’un ensemble plus vaste que cela.

Mais souffrances et luttes intérieures ne sont pas visibles à l’extérieur. Beaucoup se sentent très incompris, voire jugés. Ce qui est visible, ce sont les comportements apparemment insensés, la vision distordue de la réalité, et cela génère parfois de la peur, au minimum un malaise… Le rapport à l’autre est désordonné. L’instabilité, la dysharmonie qui règnent  à l’intérieur diffusent autour et provoquent des retours en décalage, des paroles blessantes, inutiles, en parfait inadéquation. La raison des autres, en effet, ne peur rien faire pour eux à ce moment-là.

Combien d’anorexiques ont entendu dire : « il suffit de la forcer à manger, et ça ira mieux ! » ou «  tu as encore maigri, on dirait une rescapée des camps ».

Combien de bi-polaires voient autour d’eux se forger un mur d’incompréhension, par un entourage dépité, qui ne sait plus à qui il a affaire ? A  la suite d’attitudes et de « crises » qu’ils ont parfois du mal à gérer « je ne le supporte pas quand il est ainsi, on dirait un enfant gâté »

Combien de schizophrènes, enfermés en eux, ne savent pas dire ni se dire, souffrent du mur qui les sépare des autres, et s’entendent traiter de « fou », voient la peur qu’ils inspirent à leurs plus proches, même à ceux qu’ils devraient rassurer ?

En effet, l’entourage est aux prises avec des comportements échappant à l’entendement, à la raison, des attitudes étranges. Il voit les excès, les enfoncements dans la non-vie, les dénis de la part de la personne touchée. Il voit la dissociation.

Le déni est un mal qui ronge en profondeur et de façon invisible. Le déni de tous : la personne touchée, qui peut mettre longtemps avant d’accepter de devoir vivre avec sa maladie, et l’entourage, affecté, qui ne veut pas non plus toujours accepter en totale conscience le « problème ».

A cela s’ajoute la culpabilité, bien sur : celle de pas être comme les autres, celle de se détruire, celle d’être un poids pour l’entourage, de lui faire subir ses contre-coups, ses extravagances ou ses repliements, ses silences ou ses colères, et de le mettre en échec : l’entourage se sent impuissant à aider, quelle que soit sa bonne volonté.

C’est une fois ce déni dépassé, que l’acceptation pleine et entière de la maladie, permettra de mieux la gérer, une fois la conscience augmentée. La maladie aura alors moins de prise.

Ceci ne se réalise qu’au bout d’un long travail sur soi, de recherche des ressources en soi, et de prises de conscience. L’écriture fait partie parfois de ce travail.

J’ai choisi de vous parler de trois de ces témoignages.

Anorexie-Schizophrénie, Trouble bi-polaire-: trois exemples de mal-à-être, de perte temporaire de la notion de réalité, de phase de démissions, de lutte pour faire entendre quelque chose…

Le démon intérieur de Sabrina Palombo fut l’anorexie, dont elle a été sauvée de justesse : A 17 ans démarre un régime qui l’amènera à un poids de 27 kgs, et à un internement psychiatrique pendant un an. Son livre témoigne de la force incroyable qu’elle a dû aller chercher pour s’en sortir.

Sabrina : « Je me suis ouvert la tête contre les murs de ma prison. Les médecins ont proposé à mon père de monter dans ma chambre alors qu’il ne m’avait pas vue depuis des mois. C’était peut-être ma dernière nuit ici-bas selon eux. »

Le corps torturé de l’anorexique fait peur, et son désir de pureté, d’absolu se déclare dans cette négation du charnel en elle.

Douloureusement, la renaissance a lieu, longuement, pas à pas. La maladie se transforme en une quête spirituelle

Sabrina : « Tandis que certains marquent leur rejet du passage au monde adulte en adoptant des comportements de révolte plus ou moins évidents, j’ai opté pour la nourriture comme moyen d’expression et d’opposition. Au-delà de cette crise d’adolescence, il y avait un véritable besoin de transcendance. Peu de gens mettent des mots sur cette quête spirituelle. La spiritualité est, sinon rejetée, au moins taboue. La jeune anorexique peine encore plus à saisir le sens du mal qui la ronge ».

Le combat de Sabrina, depuis, ne cesse plus. Elle a fondé une association, pour faire connaître la maladie, et aider les anorexiques à sortir de l’isolement. Pour agir, mettre des mots, transcender.

Gérard Garouste combat en lui les crises de délire, furieuses, éprouvantes, qui l’amènent immanquablement à l’Hôpital psychiatrique : camisole chimique, cocktail neuroleptique, seule façon de calmer la crise de psychose.

Gérard : « La sortie n’est pas une libération, c’est une punition. La réalité vous rattrape comme une brûlante coulée d’angoisse, et l’on se découvre faible et lâche. On s’effondre. »

Il raconte son enfance dupée, trahie, le secret de famille, la honte silencieuse, souterraine, alimentant la rancœur et la violence du paternel.

Il raconte une dépression qui a duré dix années. Puis sa conscience et son combat pour maintenir un équilibre, forcément fragile, qui le préserve de la rechute.

« Gérard : « je dois fuir la passion puisqu’elle m’égare, mais je ne peux pas. Mes intuitions se changent vite en obsessions, qui nourrissent ma peinture et ma folie. Il y a des frontières communes, que je passe et repasse. J’y laisse parfois un peu de ma vieille peau. »

Gérard est un peintre internationalement reconnu. « Je suis peintre parce que mes mains ont fait ma force, parce que des toiles puissantes et belles m’ont convaincu qu’il y avait là une voie pour moi. »

 Hélène Pérignon, éditrice, a un trouble bi-polaire, passant par des phases longues de dépression, puis des crises maniaques agitées, désordonnées, dévastatrices. Cela lui  a été particulièrement difficile d’accepter sa maladie, car elle-même avait souffert dans son enfance de la bipolarité de sa mère, gravement atteinte par la maladie,  régulièrement internée, et qui, après son retour d’hôpital, restait encore dans un état d’hébétude de longs jours. « Elle vivait à son rythme, dans son petit monde, sans vraiment se soucier de son rôle de maman. »

Il lui faut du temps pour accepter le diagnostic. Puis pour accepter de se faire soigner lorsque la crise est là.

Hélène : « Je m’acharnais à me persuader que tout était normal, et que j’allais bien. Toutefois, je me sentais de plus en plus déstabilisée, les doutes s’amplifiaient, accompagnés d’angoisse et confortés par le discours de mes proches. Période horrible. On se sent vaciller, sombrer. On sait déjà pertinemment que la crise est là, de nouveau, mais on ne peut s’y résoudre. On lutte. Tiraillements féroces entre une partie de soi, exaltée, qui déborde d’énergie, et n’accepte aucune limite et l’autre, en alerte, qui perçoit le danger et la nécessité de mettre un frein à tout ce désordre »

Hélène a finalement appris à vivre de façon très  consciente son trouble bipolaire, de sorte qu’elle en soit le moins affectée possible dans sa vie, tout en intégrant les risques et les réalités de sa maladie et en restant particulièrement vigilante sur son équilibre de vie.

En conclusion, Hélène dit : « je suis bipolaire, mais je me place résolument du côté de la vie .J’ai apprivoisé mon trouble et j’ai appris, avec le temps, à gommer les parenthèses. »

 Bibliographie :

– Sur l’anorexie: Sabrina Palumbo : L’âme en éveil, le corps en sursis. Editions Quintessence.  SabrinaTCA92: se relier aux fragilités pour se relier à l’univers

– Sur la schizophrénie: Gérard Garouste: L’intranquille, autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou. Editions L’iconoclaste.

– Sur le trouble bi-polaire: Hélène Pérignon : je suis bipolaire mais le bonheur ne me fait pas peur ; Editions Hugo Doc